J'veux du soleil France 2019 – 80min.
Critique du film
François Ruffin sur les ronds-points des Gilets jaunes
Journaliste, rédacteur en chef à Fakir, réalisateur césarisé et député France insoumise ; en pleine crise des Gilets Jaunes, François Ruffin, accompagné du documentariste Gilles Perret, est parti sur les ronds-points de France à la rencontre des fantassins du mouvement. Traversant Amiens, Annecy, Montpellier, Loriol ou encore Saint-Julien-du-Serre, une semaine pour un road trip ensoleillé dans la fournaise d’une crise nationale. « Un film d’amour » selon Ruffin.
Alors empêtré dans les robes de l'Assemblée, le journaliste et député France insoumise François Ruffin, décide de bloquer une semaine mi-décembre 2018 pour partir à la rencontre des Gilets jaunes. Un projet de bouquin dit-il, mais celui qui recevait le César du meilleur documentaire pour Merci patron! accouchera d’un reportage une nouvelle fois porté à l’écran. Chanté en 1991 par le groupe Au p'tit bonheur, le titre « J’veux du soleil » devient un hymne aux revendications pacifistes du mouvement, à nos villes et aux individus.
Ambiance guinguette, Douce France et Nationale 7 ; J’veux du soleil s’ouvre sur les images médiatisées des manifestations parisiennes avec en fond, la voix de velours de l’enfant de Narbonne : Charles Trenet. L’anachronisme a de l’humour. Une proposition de contraste en lever de rideau où s’opposent la province et la technocratie en capitale. Néanmoins, le propos de Ruffin semble être ailleurs. Solidaires, voilà des semaines qu’ils se frottent à l’hiver pour se faire entendre et pour que « la pudeur ne soit plus impudique » comme nous l’explique Marie. Loin des radicalisés et des casseurs intempestifs, même si Khaled avouera tout de même « avoir entendu 2-3 bricoles » sur les intentions de certains, le portrait du duo Ruffin-Perret s’affine, avec la tendresse d’une Agnès Varda, dans les mouroirs de France.
Retraités, amputé des deux jambes, ancien SDF, intérimaires, agriculteurs, auxiliaires de vies, mères/pères célibataires, handicapés, sans-emploi ; les peines sont voraces et elles s’expriment. Les hontes privées ressortent dans une communion fraternelle, une fierté renaît. Avec les enfants au secours populaire, le dos courbé, à glaner les poubelles des supermarchés, les frigos vides, un repas tous les 3 jours, les dépressions, les impayés, les cantines à crédit ; J’veux du soleil est un recueil de paroles mais l’inventaire à la Ruffin n’a rien de celui de Prévert. Le journaliste nous parle d’une pauvreté asphyxiante, et de citoyens qui se mobilisent. On pense à ce maire, ancien cadre dans la banque, qui remue cœur et âme pour sa commune.
Moins assassin que dans Merci patron!, François Ruffin se met discrètement en scène au gré de quelques “Si j’étais Monsieur Macron, qu’est-ce que vous me diriez ?”, ou quelques remarques nuancées lancées au vent de l’anarchie anti-Macron. Sur les ronds-points, ils ne sont pas tous aussi radicaux, d’autres prônent le fantasme d’après 68, la page blanche, le début de L’An 01, comme chez Jacques Doillon en 1973. Ambiance Tolstoï façon Guerre et Paix sur les péages, J’veux du soleil se révèle être moins une anthropologie du mouvement, qu’un laissez-parler. Exercice journalistique, voire de documentaliste, pour faire honneur à la mémoire d’un mouvement, pour rendre à l’individu son individualité, loin des émeutes de l’Arc de Triomphe ou du brasier au Fouquet’s. En bref !
Une semaine de baroudage sur les ronds-points et péages de province en décembre dernier pour aller à l’écoute des Gilets jaunes. Un vibrant exercice journaliste signé François Ruffin, loin du manichéisme des brèves de comptoirs médiatiques ou d’une tentative de légitimation. Maladroite parfois, la parole n’en reste pas moins libérée, entre des larmes de honte et des éclats d’espoir. Merci Ruffin !
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