L'Île aux oiseaux Suisse 2019 – 62min.
Critique du film
Transmigration
Avec L’Île aux Oiseaux, le duo de cinéastes Maya Kosa et Sergio Da Costa nous emmène dans un centre de soins pour oiseaux sauvages où Antonin, un nouvel employé sortant d’une période difficile, est formé à son nouveau métier. Entre documentaire et fiction, L’Île aux Oiseaux nous entraîne dans un drame lumineux.
Antonin est un être fragilisé par une expérience récente douloureuse. Comme un nourrisson, il réapprend à vivre et vient d’être accepté dans un centre de soins pour oiseaux sauvages, où il devra s’occuper des rats élevés pour nourrir les patients de l’établissement. Témoin chaque jour de rétablissements et de décès, lui-même bourreau et sauveteur, Antonin régénère son nouveau corps et son esprit en se confrontant à petite échelle au cycle de la vie.
Dans le genre documentaire, L’Île aux Oiseaux est un essai particulièrement audacieux, puisqu’il fait partie de ces films qui ne documente pas un lieu, une personne ou un évènement, mais plutôt une condition humaine en général. Mêlant situations réelles, dialogues mis en scène mais inspiré de vécus intimes réels et voix-off dramatisée, L’Île aux Oiseaux tente de faire émerger non pas une vérité factuelle mais abstraite, émotionnelle.
Une démarche qu’on prête plus volontiers à la fiction en général, plus communément admise comme génératrice de morale ou d’études de caractère, et dont la greffe sur un corps documentaire s’avère téméraire voire périlleux, puisque par nature le réel n’est pas flexible et pourra refuser de se plier au récit qu’on lui impose. Fort heureusement, Maya Kosa et Sergio Da Costa ont bien compris que plutôt de tordre la réalité pour la conformer à un but, il vaut mieux collaborer avec elle, quitte à obtenir un objet formel bizarroïde souvent étonnant, parfois ennuyeux mais toujours intéressant.
L’Île aux Oiseaux est inégal, notamment parce que si le mariage docu/fiction fonctionne sur la plupart des points, le rythme de l’œuvre rejette la greffe. En résulte un film parfois redondant et surtout assez prévisible dans le renversement de sa dialectique (au demeurant passionnante) entre patients et médecins, humains et animaux, les deux entités en venant à communier grâce au processus de guérison mutuelle. Pour autant, si la cuisson à tendance à durer et si la levure conceptuelle n’est pas neuve, elle reste fascinante à regarder faire lever une pâte formelle riche en images animalières saisissantes en symboles certes simples et anciens, mais à la puissance renouvelée. Alors, ce n’est que du pain, mais il est béni et soulage l’âme.
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement