Une mère incroyable Colombie, France 2019 – 95min.
Critique du film
Vol au dessus de la maladie
Deuxième long-métrage du cinéaste colombien Franco Lolli après Gente de Bien, Une mère incroyable a également été présenté à Cannes pendant la Semaine de la critique. En 2014, pour son premier long-métrage, Lolli avait monté les marches de la croisette avec 5 nominations - une pour la compétition du Festival (Caméra d’Or) et quatre pour la Semaine de la critique, dont une pour le Grand Prix de la semaine. Aux dernières compétitions cannoises, Une mère incroyable (Litigante) s’est fait plus discret et n’a été nommé que dans la catégorie Film d’Ouverture de la Semaine de la critique.
Franco Lolli s’attaque au genre du portrait de la femme et d’une en particulier. Cette femme, c’est la fameuse mère incroyable du titre, Silvia, une avocate impliquée dans un scandale de corruption, qui doit faire face au cancer du poumon de sa mère, élever son fils et gérer une nouvelle rencontre amoureuse.
La fiction cherchant à filmer les choses de la vie sans les esthétiser peut parfois donner le pire à voir, mais c’est avec beaucoup de justesse que la dimension réaliste avec laquelle le cinéaste dresse le portrait de Silvia résonne. Les scènes s’enchaînent comme les instants d’une vie. Elles se perdent parfois, oubliant qu’il faut rythmer un récit pour le rendre attrayant, mais sont si follement arrimées au réel que le manque d’énergie s’excuse rapidement. D’autant que le long-métrage n’entend jamais puiser sa vitalité dans la manière dont il est filmé mais dans le bouillonnement de sentiments de son héroïne.
Sobrement, sans surjouer le pathos de la situation, Carolina Sanin charge progressivement son personnage de rage, de désarrois et de tristesse. Souvent contenus, ses sentiments explosent en de rares moment. Bruyamment quand elle s’en prend à sa mère pour des choix qu’elle ne comprend pas. Silencieusement quand elle doit affronter la maladie incurable qui ronge cette dernière, lui volant sa vigueur, sa dignité puis sa vie. Silvia est un personnage à fleur de peau, merveilleusement restitué par son interprète. Un personnage écorché, qui saigne ses sentiments et les panse en silence. Un personnage subtil, tout en nuance, qui cache sa détresse derrière une intransigeance incroyable et que la préparation au deuil isole de plus en plus. La force de Carolina Sanin, c’est de réussir à faire dire tout ça à son personnage et faire oublier les défauts du film.
Les thématiques ouvertes par la maladie s’envole dans la tornade de ces sentiments. Que reste-t-il à la fin du film des questions ouvertes au début? Du droit à la mort, de la volonté de rester digne, de l’impossibilité de vraiment exister quand on connait sa date de péremption ou de l’impossible acceptation du départ prématuré d’un parent. Peut-être n’est-il censé rien rester. Peut-être la mort est embarque-t-elle avec elle tous ces questionnements et laisse épuisés ceux qui restent. Que ce soit le sentiment de révolte de Silvia face à la décision de sa mère ou son impossibilité à communiquer avec elle, le film estompe progressivement les tensions entre les personnages, car à la fin, de toute manière, il ne reste plus rien. En bref!
En 97 minutes, Franco Lolli dessine le portrait d’une vie. Filmées sans atours, sans volonté d’embellissement ni d’effets de pathos, chacune des strates de l'existence est traitée avec justesse et naturalisme. Le manque de rythme, rebutant de prime abord, est finalement reflet de la maladie, de ce moment ou tout est en suspend, jusqu’au temps, car l’inéluctable est attendu. Reste en tête la très belle partition de Carolina Sanin, criante de vérité dans ce rôle de mère et fille endeuillée.
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement