CH.FILM

Love Me Tender Suisse 2019 – 83min.

Critique du film

Une danse bleue pour une libération

Camille Vignes
Critique du film: Camille Vignes

Klaudia Reynicke avait fait voler en éclats la sérénité du village de Bucco dans Il nido (2016) et mis en lumière un drame atroce pour disséquer la dynamique de groupe et sonder les profondeurs de l’esprit de ce monstre aux mille visages où n’existe plus que le sacro-saint bien commun. Pendant de cette exploration, Love me Tender examine, toujours avec la même force claustrophobique, un esprit unique et malade; celui d’une jeune trentenaire, traumatisée par une histoire familiale lourde à porter et étouffée par ses phobies.

Love me tender raconte l’histoire de Seconda, jeune danseuse de 32 ans rongée par son agoraphobie et sa peur des grands espaces. Elle n’est pas sortie de l’appartement de ses parents depuis de longs mois. Elle n’enchante plus ni son père ni sa mère et, ne semble plus réussir qu’à les irriter. Lorsque sa mère meurt, son père prend la fuite… la laissant seule, forcée d’affronter sa peur la plus dévorante: le monde extérieur. C’est alors tout un enchainement de décisions absurdes que déroule Seconda.

Entre chorégraphies violentes et lascives et rencontres inopinées, Klaudia Reynicke propose une réalisation d’une rare sobriété. Un dispositif presque dépouillé qui ne se permet que rarement d’entrer dans la tête de la jeune femme. Préférant être spectateur des vacillements de sa conscience, l'œil de la caméra ne s’introduit que rarement dans les pensées de Seconda... se plaisant parfois à imaginer des disruptions temporelles dans l’esprit du personnage, ou peuplant encore sa tête des différentes personnes qui ont croisé sa route.

Comme pour prendre le contre-pied de sa réalisation, Klaudia Reynicke fait de sa mise en scène le vrai point signifiant et symbolique du film. Là où la caméra n’est jamais totalement subjective, la mise en scène prend le relais. L’appartement, ami réconfortant de Seconda, se transforme peu a peu en prison. À mesure que la jeune femme perd pied avec la réalité extérieure, il flétrit. Par-delà ses murs, l’ennemi qui gronde dehors, tout juste bon à recueillir les déchets et enfouir les problèmes de la jeune femme.

Avant de se libérer de ses entraves dans une envolée symbolique, la jeune femme s’enferme sous une seconde peau bleue dès qu’il lui faut affronter le monde extérieur. Ce bleu, c’est le liant du film. C’est celui qui la protège autant qu’il la cache. C’est avec lui qu'elle charme, et contre lui qu’elle se heurte violemment en tentant d’échapper à elle-même.

Love me tender, c’est l’histoire d’une acceptation, l’apprentissage de la cohabitation avec sa nature profonde en dépassant les limites de la «normalité». Les rebondissements absurdes - qui manquent de ce je-ne-sais-quoi loufoque à la Yorgos Lanthimos pour embarquer complètement le spectateur - autant que les actions et les réactions de l’héroïne témoignent simplement de l’importance des envies et désirs de chacun, aussi différents soient-ils.

12.06.2020

3

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

Autres critiques de films

Gladiator II

Red One

Venom: The Last Dance

Le Robot Sauvage