Balloon Chine 2019 – 102min.
Critique du film
Un vent de modernité dans les plaines tibétaines
Nouveau long-métrage du réalisateur tibétain Pema Tseden, Balloon relate les conflits intérieurs d’une famille d’éleveurs dont l’harmonie est bouleversée à la suite de la découverte d’un étrange ballon. En nous emmenant au cœur des plaines retirées du Tibet, le drame évoque sobrement les rapports entre spiritualité et modernité dans une communauté encore très traditionnelle.
Drolkar et son mari Darje élèvent des brebis dans les grandes plaines tibétaines avec leurs trois fils et leur grand-père. Depuis la politique de l’enfant unique imposé par la Chine, le couple utilise des préservatifs, mais ce moyen de contraception est toutefois loin d’être répandu dans leur communauté et suscite même de vives réactions lorsque certains sont transformés en ballon par des enfants. Cet événement va notamment déclencher une série de situations embarrassantes pour la famille qui va être amenée à faire des choix cornéliens.
Au travers du quotidien de cette famille d’éleveurs de brebis, le long-métrage de Pema Tseden confronte l’émancipation sexuelle d’une mère de famille et le conservatisme religieux qui régit les environs. Les directives venant de Pékin préoccupent Drolkar qui doit vaincre sa timidité et sa pudeur pour demander des conseils à sa gynécologue pour satisfaire les plaisirs de son couple. Si cette thématique semble futile au préalable, elle sert pourtant de fil rouge au long-métrage qui ose même la comparaison, certes peu délicate, avec l’arrivée dans la ferme d’un bouc aux attributs fort impressionnants et qui se laisse difficilement maîtriser.
Ce n’est finalement que très tard dans le récit que les conséquences liées à une nouvelle naissance prennent forme et que l’on comprend enfin tous les enjeux que le film cherche à démontrer. La jeune mère (Sonam Wangmo, très touchante) porte en effet sur ses épaules tout le poids d’une tradition où réincarnation et karma occupent une place primordiale et les choix impossibles qu’elle va devoir faire émeuvent instantanément.
Si le sujet du long-métrage entraîne des réflexions pertinentes, la forme risque de diviser. Il est vrai que Pema Tseden aime prendre son temps pour raconter son histoire et l’aspect contemplatif du film pèse sur son rythme. En modifiant légèrement la colorimétrie de ses plans, le cinéaste leur donne également un air glacial, renforcé par les images des plaines qui accentuent la solitude de cette communauté et la pauvreté dans laquelle elle vit.
Ce manque de chaleur refroidira certains spectateurs, mais il faut le voir comme un complément à la retenue avec laquelle le cinéaste évoque le destin de ses personnages. Il arrive en effet souvent qu’on suive une conversation depuis l’arrière d’une vitre, comme pour ne pas trop s’immiscer dans la vie privée des protagonistes. D’ailleurs, en proposant une fin aussi ambigüe, le réalisateur laisse ainsi la porte ouverte aux différents avis, tout en montrant à quel point le sujet reste très sensible et soulève encore de nombreux questionnements.
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