Que sea ley (Que ce soit loi) Argentine, France, Uruguay 2019 – 85min.

Critique du film

Un foulard pour signe de lutte

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Les Argentines se battent pour légaliser l’IVG. Que sea ley (Que ce soit loi) est une bouture d’un combat âpre et sans relâche de femmes face à l’État et ses politiciens contre l’avortement. Voici l’histoire d’un documentaire présenté au dernier Festival de Cannes.

Juan Solanas donne la parole à des femmes marquées, des femmes fatiguées d’en voir d’autres mourir chaque semaine des suites d’avortement clandestin. Pendant 8 semaines, ce texte de loi va être discuté, retourné, contesté au Sénat tout comme dans la rue. Des voix féminines toujours plus fortes, plus nombreuses pour défendre le droit fondamental d’avoir le choix de donner la vie ou non. Un pays tout entier sous la pression féministe argentine.

Un foulard vert pour symbole d’une révolution féminine, voire même d’une relation sociale. L’avortement ne serait plus hors-la-loi. L’Argentine - et faut-il le souligner au stabilo - aurait été le 3ème pays à légaliser l’avortement en Amérique latine, après Cuba et l’Uruguay - 2 pays plus évolués. Donner aux femmes le droit de décider de ce qu’elles vont faire de leur hypothétique progéniture est d’une logique implacable. Au pays de Maradona et Lionel Messi, il n’en est rien. La faute à un contexte religieux très présent, trop présent, porté par les élites argentines et leurs richesses. Car oui, derrière cette pellicule, il y a un acte d’hypocrisie qui vous courbe le dos, qui vous pousse au(x) soupir(s), à l’incompréhension d’une telle méprise à notre époque dite évoluée. Les riches et les autorités religieuses sous la même coupole: l’hypocrisie infâme.

Solanas a parcouru l’Argentine, sa pauvreté et son immense fossé sociétal, pour recueillir des témoignages, des voix fragilisées par la torture de l’avortement clandestin. 6 mois de voyage pour expliquer des combats et rappeler la vérité cruelle: les hôpitaux, les conditions inimaginables, le traitement d’un personnel soignant méprisant, des odeurs pestilentielles, les infections; la liste est longue et dure à encaisser. De cet angle, Que sea ley (Que ce soit loi) dépose un vent d’espoir, une ode au combat sans relâche, certes. Le documentaire questionne et traite le combat des femmes sans tomber dans une certaine dramatisation ou un ton larmoyant. Baigné dans une photographie sublime, nous sentons du courage, une force.

Alors oui, le film dénonce et touche la corde sensible. La question est de savoir si un tel sujet peut être sujet à la critique. Un questionnement qui vous traverse plus les témoignages et les pleurs se succèdent. Grâce à son traitement, Que sea ley (Que ce soit loi) réussit un valeureux tour de piste. Et cette phrase qui nous frappe pour décrire cette hypocrisie: «pour éviter tout ça, la meilleure chose est l’abstinence.» Sachant que cette phrase provient des milieux ecclésiastiques. L’hypocrisie est à son paroxysme.

En bref!

Un travail profond et fort de la part de Juan Solanas. Une belle vitrine pour femmes battantes, des féministes habillées de leur foulard vert pour contrer les conservateurs et conservatrices, pour combattre un pays catholique, évangélique, englué dans une profonde hypocrisie. Le documentaire soulève tout ça avec intelligence.

09.03.2020

3.5

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