Adolescentes France 2019 – 135min.
Critique du film
Euphorie de jeunesse
Pendant cinq ans, le cinéaste Sébastien Lifshit a suivi et filmé la vie de deux adolescentes. Le quotidien fait de rires et de larmes de deux jeunes filles, de la sortie de l’enfance à l’entrée dans l’âge adulte, et en toile de fond, les interrogations et les peurs de leurs parents qui les observent grandir, mûrir, devenir et se réaliser. Les filmant depuis leur treize ans jusqu’à leur majorité, l’homme s’est retrouvé avec des centaines d’heures de rush à dégrossir desquelles il lui a fallu sublimer la vérité toute nue de l’adolescence. Adolescentes, présenté comme un documentaire en transcende les codes, et offre une véritable expérience de vie, immersive et universelle.
À travers Anaïs et Emma, c’est ce moment si particulier des premiers choix, de la responsabilisation, du passage à l’adulte qui se raconte ici. Leur amitié semble aussi discrète qu’intime, et leur complicité sans équivoque, malgré leurs différences. La première vient d’un milieu populaire, elle est vindicative, rentre dedans et solaire. La seconde, plus introvertie, plus têtue aussi, est issue d’un milieu plus bourgeois. À travers les visages d’Anaïs et d’Emma, c’est l’adolescence qui se livre sans détour.
Tout ce qui fait de cet âge une période si particulière est là. Les doutes, les premières fois, les questionnements, les premiers examens, les peines, les peurs, la surabondance des parents, ou leur absence tonitruante, l’envie de comprendre le monde, le besoin de saisir ses chances, d’être acteur de sa vie. Ce moment où le corps se met à parler, où l’avenir n’a de cesse de se redessiner et de disparaître, où tout semble décisif et où, il en faut des armes pour affronter la vie. Il y a une mémoire derrière chacune des images», disait le cinéaste au micro de Premiere fin 2019. Cette mémoire est partout dans cette œuvre, car la moindre petite chose offerte par sa caméra est primordiale à la compréhension du monde. Prise dans le chassé-croisé, les rêves et les déceptions des parents, de l’actualité sordide, terroriste de ces dernières années, l’adolescence se débat pour exister, trouver sa place.
Cette plongée dans un âge trop souvent oublié (que bien des productions peinent à imager avec force), elle est d’une puissance inouïe. Devant les caméras, les deux filles ne jouent pas, en tout cas ne semble pas le faire. Comme si elles oubliaient ce dispositif pourtant intimiste, elle s’abandonne à leur vie, leur conversation, leur vérité nue. C’est peut-être ça le panache d’un bon documentaire. Caresser si près du regard la réalité, aussi subjective et personnelle soit-elle, qu’elle confine à l’universel. Ce dispositif, pourtant intrusif et l’ambition du cinéaste ne font plus qu’un avec le propos déroulé par les jeunes filles. Si elle paraît toujours garder une distance nécessaire, respectueuse d’avec ses sujets, la caméra est pourtant toujours là pour livrer sans concession des bribes de leur vie.
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