French Exit Canada, Royaume-Uni, Etats-Unis 2020 – 113min.
Critique du film
Z'avez pas vu Mirza?
Petit prince discret du cinéma indépendant américain, Azazel Jacobs s’offre une distribution prestigieuse et s’aventure dans les eaux tumultueuses du romancier canadien Patrick DeWitt. Michelle Pfeiffer et Lucas Hedges incarnent les dindons d’une farce existentialiste déroutante entre Manhattan et Paris à la recherche de sens, d’une gloire d’antan, et surtout d’un chat pas comme les autres.
Son plan initial, c’était de mourir avant de manquer d’argent, oui, mais Frances Price (Michelle Pfeiffer), diva new-yorkaise odieuse d’un genre à la Norma Desmond, est bien contrainte de faire face à la réalité : le décès de son époux. La roue tourne, il s’agit de rebattre les cartes; la voilà sur la paille et une amie lui offre la possibilité de séjourner dans son appartement à Paris le temps de se refaire. Obligation filiale, Malcom (Lucas Hedges) rompt ses fiançailles avec Susan (Imogen Poots) pour accompagner sa mère. Avec eux, un chat noir qui pourrait bien incarner l’esprit de défunt époux.
Il y a une loi Patrick DeWitt: des antagonistes forts, une jaunisse existentialiste empruntée à Samuel Beckett, et 1001 occasions de nous laisser sur le carreau. En tandem avec Azazel Jacobs (père de Terri sorti en 2011), French Exit est une œuvre qu’il faudra apprendre à apprivoiser. Un film éclectique où se mêlent les genres, les registres et les tons. Trésor du cinéma contemporain, Michelle Pfeiffer confiera d’ailleurs ne jamais avoir lu un scénario pareil. Vous voilà prévenus!
Patrick DeWitt et Azazel Jacobs prennent la plume, dessinent un chapeau, et nous cherchons la trace du boa qui digérait l’éléphant. À l’aube du troisième acte de sa vie, Michelle Pfeiffer donne une humanité touchante à l’odieux personnage qu’elle incarne. Une arrogance contrebalancée par la douceur résignée de son fils campé par le toujours excellent Lucas Hedges. Lors de leur traversée en féérie vers la France, le tandem croise la route d’une medium interprétée par Danielle Macdonald (Patti Cake$), elle aussi en vadrouille. Et bientôt les pérégrinations francophones de la petite famille Price prennent une drôle de tournure quand le chat se fait la malle. Dès lors, un certain Julius (Isaach De Bankolé) se charge de la traque.
Et doucement French Exit devient une curiosité, un théâtre de saynètes orchestrées par un excellent Azazel Jacobs, mais dont le dessin, si large et si subtile, s’observe d’un clair obscur. Libéré du diktat des évidences, le metteur en scène nous promène dans les arcanes de l’être, dans le vague à l’âme de celles et ceux qui se cherchent, là où les émotions explosent à demi-mots. La réincarnation devenant un prétexte à la fable, le conte se lit en espace négatif; il y a ce qui est vu, lu, compris et puis le reste: les contours vaporeux qui dessinent une fresque des âmes en friche. L’auteur n’en est pas à son premier coup d’essai, à cheval entre les genres, il signait un western, The Sisters Brothers, porté à l’écran par l’excellent Jacques Audiard. Les frangins se prenaient le chou pour le compte d’un Commodore christique. Les frères Sisters permettront sans doute une meilleure lecture de la dualité mère-fils présentée ici. L’univers est singulier et la morale criée à voix basse contre le vent, alors pour celles et ceux qui n’auraient pas déjà filé à l’anglaise, le voyage vaudra bien un détour!
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Commentaires
“Voir Paris et mourir”
Suite au décès de son mari, la prodigue Frances se retrouve ruinée. Une amie généreuse lui propose son appartement à Paris. Elle y débarque avec son grand garçon et son chat.
Au douanier qui lui demande la raison de son séjour en France, la veuve joyeuse répond : « Je suis venue voir la Tour Eiffel et mourir ». Romantisme malsain pour ce panier percé qui n’a jamais su travailler de sa vie. Escortée de son fils impassible, la belle piétine gaiement les cendres de son bûcher des vanités, dilapidant chacune des dernières liasses qui lui restent en pourboires et achats mirobolants.
Que la route est longue et ennuyeuse quand elle mène à une impasse. La bourgeoisie a un certain charme quand il demeure discret. Mais entre New York et Paris, l’on peine à éprouver de l’empathie envers ces pauvres riches inadaptés au quotidien du commun des mortels. Dans le rôle de la reine, Michelle Pfeiffer, mille cigarettes au bec, se montre plus diva que divine. Le film gagne en intérêt lorsqu’il réunit autour de Catwoman une cour des miracles dans laquelle chacun cherche son chat. Hélas, cette piste aux étoiles contraires, mal exploitée, n’est que poussière. Le réalisateur privilégie l’absurde et le surnaturel d’une séance de spiritisme à la bougie ou d’une réincarnation animale. Quant à la Tour Eiffel, cliché illusoire, elle n’aura les honneurs que d’une carte postale.
(5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 3 ans
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