CH.FILM

Samos - The Faces of our Border Suisse 2020 – 88min.

Critique du film

L’enfer, c’est ici

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

6000 migrants s’entassant dans un camp initialement prévu pour 600 âmes, c’est la triste et non moins dérangeante réalité qui frappe de plein fouet l’île de Samos. De son périple humanitaire sur l’île grecque, le réalisateur valaisan Shams Abou El Enein revient avec un long métrage documentaire, témoignage d’une Europe indigne.

Un «hotspot», c’est comme cela qu’est appelée l’île de Samos, l’une des 5 portes d’entrée grecques des demandeurs d’asile en terres européennes. Ce sont des enfants, femmes ou hommes, ils sont médecins, étudiants en ingénierie, mères ou pères, bien portants ou malades, et tous ont été forcés de quitter leur terre natale et de risquer leur vie dans un périple vers un monde meilleur: l’Europe. Enfin… c’est ce qu’ils croient, car la réalité est moins glorieuse.

À leur arrivée, en guise d’accueil, c’est un champ de désolation qui s’offre à eux. Un camp où s’entassent des milliers de personnes dans des conditions d’insalubrité extrême. Fait de toits de fortune en plastique ou en tissu, le camp de réfugiés a une capacité de 600 personnes. Ce ne sont pourtant pas moins de 6000 individus agglutinés, vivant dans une précarité dépassant tout entendement. Traitées encore pire que des criminels, toutes ces personnes poursuivent pourtant une procédure tout à fait légale : une fois avoir posé le pied sur le sol européen et avoir demandé l’asile, les migrants sont bloqués pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, sur l’île en attendant une réponse qui les autoriserait à poursuivre leur route sur le territoire européen.

C’est en travaillant pour une organisation humanitaire en tant que traducteur que Shams Abou El Enein a décidé de réaliser un documentaire sur Samos. Ses images dépeignent l’Europe dans tout ce qu’elle fait de pire, une bien piètre image pour une terre soi-disant d’accueil. Si nous n’en avions pas déjà connaissance, Samos - The Faces of our border est l’occasion de découvrir la situation dramatique des migrants arrivés sur l’île et en attente d’une autorisation de voyager en Europe. À l’aide d’interviews d’infirmiers, médecins, bénévoles d’ONG, habitants de l’île et de réfugiés effectués au début de l’été 2019, le documentaire dresse un tableau terrifiant du sort que l’Europe réserve aux plus vulnérables.

Le camp officiel, ainsi que le camp sauvage qui s’est développé tout autour faute de place, sont de véritables déchetteries à ciel ouvert, où rats et serpents pullulent. Pas d’eau, ni d’électricité, des queues qui débutent dès 3h du matin pour espérer obtenir un petit déjeuner, une toilette pour 2’500 personnes, des maladies virales se propageant à une vitesse effrénée, l’enfer est-il véritablement là où l’on croit? Pour la plupart déjà en condition de choc post-traumatique suite aux atrocités vécues dans leur pays d’origine, les réfugiés sont à nouveau mis à l’épreuve lors de leur arrivée à Samos et prisonniers de l’île en attendant de recevoir le feu vert pour circuler librement sur territoire européen. Et une question est sur toutes les lèvres : comment l’Union Européenne peut-elle tolérer une telle situation ?

Brut de décoffrage, Samos, The Faces of our border donne la parole à celles et ceux étant confrontés quotidiennement aux manquements des autorités européennes. Classique dans sa démarche, le documentaire enchaîne entretiens face caméra, images d’atmosphère en prises de vue professionnelles et amateurs, ainsi que des illustrations pour témoigner de l’impensable. Sans ambition cinématographique, le métrage se donne cependant un but précis : informer d’une réalité perturbante. De ces films nécessaires, Samos - The Faces of our border fait état d’une politique migratoire turpide et dessine les contours d’une Europe impudique.

09.06.2021

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