The Forever Purge Etats-Unis 2020 – 103min.

Critique du film

Escape from El Paso

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Il y avait au départ une idée socialement diabolique et scénaristiquement lumineuse, celle d’une purge pendant laquelle les États-Unis s’autoriseraient 12 heures de chaos. Le crime y serait parfaitement légal, une nuit de terreur pour étancher les plus bas instincts d’une nation. L’idée sera d’abord proposée en 2013 sous la coupe de James DeMonaco et The Forever Purge nous invite pour une cinquième purge au cœur d’une franchise qui s’est empêtrée dans les arcanes de son sujet. Et si maintenant la purge était éternelle?

Adela (Ana de la Reguera) et son mari Juan (Tenoch Huerta) passent clandestinement la frontière mexicaine pour se rendre au Texas. De l’autre côté du mur, elle rentre dans les rangs d’un abattoir et Juan trouve un emploi dans le ranch de la riche famille Tucker. Et malgré un accroc avec le fils Dylan (Josh Lucas) et la véhémence de quelques employés, Juan gagne l'estime du patriarche Caleb Tucker (Will Patton). Bientôt les sirènes grondent, c’est l’heure de se barricader pour survivre à la purge. Mais le lendemain, Adela est piégée sur son lieu de travail et un groupe masqué prend les Tucker en otage. Dès lors, les deux familles devront s’unir pour survivre à cette purge qui semble ne plus vouloir s’arrêter. Autour d’eux, les États-Unis sont mis à feu et à sang par l’extrême droite radicale.

Les cornes sur l’affiche rappelleront les Belzébuths qui se sont introduits au Capitole en 2020. Sorte d’anticipation horrifique et dystopique d’un réel qui surclasse la fiction; l’idée ô combien outrageante au cœur de la saga American Nightmare, portait sur grand écran les fabulations de patriotes extrémistes dans un éclat scénaristique cinglant. Une prédiction pour nous mettre en garde, une vision des États-Unis qui n’aurait rien à envier aux prophéties urbaines de John Carpenter, The Forever Purge s’annonçait comme une ultime vision d’effroi alors que la purge s’embrase. Suffisant pour convaincre? Rien n’est moins sûr.

Adela et Juan (impeccablement campés par le tandem Ana de la Reguera et Tenoch Huerta) se font les instigateurs du sempiternel, et pourtant très actuel, dilemme qui oppose la terre des Pères fondateurs à sa frontière mexicaine. Sa Majesté le mur est maintenant terminée. Alors c’est à pied et en sous-terrain que l’exode vers le Texas ouvre le métrage de Everardo Gout. Une fois de l’autre côté du miroir, le duo se confronte à une société de castes racistes avec d’un côté les riches blancs tout puissants qui ferment les yeux, et de l’autre, les blancs surpuissants qui paradent en panzer après minuit.

À son arrivée dans le ranch, et alors que Juan vient de prouver ses talents de dompteur dans une jolie séquence, on entendra «c’est parce que je suis un cowboy mexicain qu’il ne m’aime pas», et la famille Tucker (et surtout le fils, raciste et misogyne, incarné par Will Patton) devra composer avec Adela et Juan pour passer la frontière qui se referme à El Passo, tenter de survivre à la purge et donner naissance au nouveau maillon de la fratrie Tucker. Les voilà à bord d’un gros camion, façon «Hot Wheels», pour accomplir une mission de sauvetage d’un genre «Escape from L.A» croisée à «Zombieland» et notre équipage de fortune dégomme des complotistes armés jusqu’au sang sur les routes du Texas. Direction la case départ, la terre promise est devenue «l’enfer» de Boch.

Une mise en abyme très manichéenne (cf: la vue satellite en tomber de rideau) et didactique qui, sous couvert d’avoir américanisé le sujet prétendrait avoir démystifié la montée du nationalisme ambiant. Suffirait-il alors de pointer l’horreur du doigt (et pour la cinquième fois) pour la combattre? Aussi brûlante soit l’actualité, The Forever Purge n’est ni concret, ni vibrant, ni véritablement envoûtant. La saga devient alors ce curieux train fantôme, presque anxiogène, à l’horreur manifeste et aux petits accents de «torture porn».

Loin du pamphlet magnifique, il nous manquera l’art, la manière, la poésie d’un George A. Romero ou l’ironie d’un Robert Rodiguez. Everardo Gout (qui est passé par Romeo + Juliet et qui signe ici son premier gros projet d’envergure pour le cinéma) signe pourtant 1 h 30 d’une réalisation solide, mais il reste un problème de fond. En effet, si certains évènements récents, comme l’attentat de Charlottesville en Virginie, ou l’invasion du Capitole, nous montrent bien que la purge n’a nullement besoin de l’aval explicite des gouvernements, c’est à se demander si finalement American Nightmare n’a pas toujours été que la ronflante anticipation d’une actualité déjà dépassée.

09.08.2021

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