Atlas Belgique, Italie, Suisse 2021 – 88min.
Critique du film
Allegra, le visage de la reconstruction intérieure
Avec Atlas, film d’ouverture des dernières Journées de Soleure et nominé aux Prix du cinéma suisse, Niccolò Castelli nous revient, après son précédent métrage consacré à la skieuse Lara Gut-Behrami. Une histoire de reconstruction rythmée par un destin écharpé par la douleur d’un deuil tenace.
Allegra (Matilda De Angelis), passionnée d’escalade, est touchée en plein cœur: alors qu’elle est au Maroc avec son compagnon et un couple d’amis, elle est victime d’un attentat terroriste qui la laissera sur le carreau, seule survivante, le corps meurtri. Si son corps guérit, son âme est en mille morceaux. Rongée par la haine et la vengeance, elle est face à une montagne d’un autre genre à escalader: celle d’une tristesse infinie. Elle croisera Arad (Helmi Dridi), un jeune réfugié du Moyen-Orient, qui la mène au devant d’une rencontre complexe, surtout face à ses démons du passé.
Inspiré de faits réels, ceux de l’explosion d’une bombe au Café Argana de Marrakech le 28 avril 2011 et causant la mort de 18 personnes dont 3 Tessinois, Atlas est un chemin vers le deuil, mais surtout une confrontation face à l’abandon et à la différence. Allegra est la victime, mais également sa propre réponse. Et c’est en construisant ce personnage très fort, que Castelli nous brosse le portrait poignant d’une femme qui ne cherche pas ce besoin irrépressible d’être sauvée par les autres, mais bien à se sauver elle-même - la nuance est très importante à saisir. Le cinéaste tessinois évite le piège des raccourcis du deuil exorcisé grâce à un amour tel un pansement miracle - la solution palpite en elle.
Castelli ne s’attarde pas sur l’attentat - autre choix très judicieux -, il préfère nous évoquer la certitude que ces aveugles terreurs qu’Allegra traversent, seront transpercées par une lueur au milieu de tous les noirs de la vie - moraux, psychiques, physiques -, si chers à l’écrivain Christian Bobin. Une femme qui avance seule et cherchant un nouveau paradis, une lumière que ses proches ont déjà embrassé malgré eux. Elle doit la chercher sur Terre, se battant avec les fantômes du passé grâce au contact d’Arad. Une partition que Matilda De Angelis interprète solidement. Après son passage dans la série HBO «The Undoing», l’Italienne confirme ses prédispositions en tant qu’actrice et est assurément promise à un bel avenir.
Au-delà du traumatisme et de la reconstruction d’Allegra, Atlas adopte une posture qui questionne le spectateur à travers ses convictions: la société occidentale est à présent sous l’emprise de cette nouvelle peur. La protection que beaucoup d’Occidentaux pensaient infaillible - ça n’arrive qu’aux autres, comme dirait l’autre - peut voler en éclats en une fraction de seconde. Castelli s’attaque à une liberté bafouée et à un avenir fracassé par la violence crasse. La réalité vous rattrape et vous met à terre, c’est en somme ce que le Tessinois nous raconte à travers Allegra, un personnage à la puissance silencieuse.
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