Hijos del viento Colombie, France, Suisse 2021 – 98min.
Critique du film
À ceux que l’on ne punira jamais
Avec Hijos del viento, Felipe Monroy réalise un documentaire efficace sur un épisode de l’Histoire colombienne révoltant. Malgré un dispositif parfois trop intrusif, le message passe.
Début des années 2000 en Colombie : l’armée est chargée de lutter contre les factions extrémistes violentes du pays. Problème, cette dernière est également achetée, corrompue par ceux qu’elle est censée arrêter. Alors, pour montrer des résultats, l’armée colombienne tue d’innocents jeunes hommes qu’elle fait passer pour des extrémistes, par le biais de grotesques mises en scène. Une dizaine d’années après ces crimes, ce documentaire suit parallèlement Carlos Mora – un militaire ayant dévoilé ces actes au grand publique – et trois mères et proches de victimes, nous montrant le combat épuisant d’individus impuissants face à des instances de pouvoir corrompues.
« Falsos positivos », « faux positifs », c’est ainsi que l’on se réfère désormais auxdites victimes, tuées entre 2002 et 2010, pour rien. En 2019, au sein du groupe « Mère des Faux Positifs », c’est la même tristesse inépuisable, le même désarroi qui se lit sur tous les visages. Est-il possible de faire le deuil, la paix avec le monde, lorsque notre enfant nous a été enlevé au nom sale, illégitime, dégradant, de la corruption ?
Désarroi supplémentaire : l’assassin de votre fils n’est pas un petit brigand qu’un procès suffira à faire plier, c’est l’armée nationale. Instance toute-puissante, après avoir tué votre progéniture, elle vous menace de faire de même avec vous si vous dites quoi que ce soit. Alors, vous partez vivre ailleurs parce que vous avez peur, et vous perdez tout.
Dans son documentaire, Felipe Monroy rend efficacement compte de vécus brisés, alternant entre scènes de prises de paroles et scènes plus contemplatives, nous immergeant dans une ambiance grise et mélancolique. Lors de plusieurs instants où les visages sont en pleurs, le réalisateur fait alors usage de gros plans, tentant de retranscrire au mieux ces émotions déchirantes. Bien qu’ils permettent aux spectateur·ices de s’identifier, s’impliquant émotionnellement dans cette cause, le procédé s’avère également gênant.
Car, dans ces moments terriblement intimes, la caméra est parfois trop proche des corps : elle finit par donner l’impression d’envahir des personnes déjà meurtries. Filmer à distance dédramatiserait peut-être, enlèverait une partie de cette charge émotionnelle, mais serait également une marque de respect.
Derrière ce surplus d’exacerbation émotionnel au dispositif maladroit, réside – on n’en doute pas une seconde – une bonne intention : celle de réaliser un film poignant dont l’efficacité permettra de transmettre un message, participant à faire tomber un géant toujours invaincu.
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