Mon légionnaire Belgique, France 2021 – 107min.

Critique du film

Le choix d’une vie de solitude

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

Présenté en clôture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2021, le deuxième long métrage de la réalisatrice française Rachel Lang fait se côtoyer deux histoires d’amour et de solitude dans le contexte très particulier de la Légion étrangère.

Maxime (Louis Garrel) et sa femme (Camille Cottin) débarquent en Corse, sur la base militaire d’un régiment de la Légion étrangère. Il doit partir au Mali pour combattre les groupuscules terroristes, elle doit s’occuper de leur fils de 7 ans, tout en travaillant comme avocate. Une existence faite d’amour, de solitude aussi, et de sacrifices, au service de la patrie, que Vlad (Aleksandr Kuznetsov) et Nika (Ina Marija Bartraité) ont également choisi. Le jeune couple d’Ukrainiens attend le retour au bercail de Vlad pour se marier. Mais à 20 ans et des poussières, isolée de tout, de sa famille et de ses amis, Nika endure la solitude encore plus péniblement.

Alors que leurs maris se battent sous les couleurs de la France, les compagnes se réunissent dans « le club des épouses ». Dégustation de vin, séance d’épilation ou atelier bricolage avec les enfants au programme, pour se tenir les coudes, pour créer un sentiment d’appartenance à une communauté. Mais à la fin de la journée, toutes et tous se retrouvent seuls.

Cinéaste et réserviste, Rachel Lang savait mieux que personne dans quoi elle s’embarquait en réalisant un film sur l’univers militaire, loin du sujet de son premier film, « Baden Baden », sorti en 2016. La réalisatrice a choisi le monde des légionnaires à dessein. Là où la vie civile y est encore plus réglementée que dans d’autres corps d’armes, l’émotionnel y trouve plus difficilement sa place. Durant les cinq premières années d’enrôlement, les légionnaires s’engagent à rester célibataires, et ne pas avoir d’enfants. Terrain hostile pour des relations privilégiées, la Légion étrangère est le décor dans lequel Rachel Lang plante les histoires de ces couples en racontant comment ces derniers survivent ou se meurent à petit feu.

La réalisatrice en profite pour traiter, à travers les trajectoires des quatre personnages principaux, de la réalité archaïque d’un système militaire patriarcal qui continue de cantonner les femmes au rôle domestique. Système interrogé par le couple de Maxime et Céline, interprété par Louis Garrel et Camille Cottin. Elle est une avocate très occupée et ne trouve que peu d’intérêt à côtoyer le club des épouses. Son mari est vite remis à l’ordre par sa hiérarchie. Rôle à contre-emploi pour Louis Garrel qui se révèle convaincant dans la peau d’un militaire.

Sur fond d’engagement militaire, « Mon Légionnaire » se focalise surtout sur les répercussions d’un choix de vie sur l’ensemble d’une famille, sur les obstacles à surmonter, les peurs, les doutes à gérer, et illustre sobrement comment un couple doit à chaque fois se réinventer, l’intime en point de mire. Deux perspectives mises en exergue : celle des maris partis au front, et celle des femmes attendant leur retour. Comment les uns et les autres composent-ils avec un quotidien hors normes ? Alors que chaque séparation est toujours un moment difficile, les retrouvailles le sont tout autant. Les uniformes des soldats suspendus sur les cordes à linges d’une cité-dortoir donne à l’Île de Beauté une autre facette, loin de la carte postale ; celle de la solitude et de l’attente interminable. Rachel Lang capture ces moments avec justesse, ces vies faites de détails et de routine, au front comme à la maison, dans un contexte tout sauf ordinaire.

05.10.2021

3.5

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