CH.FILM

Salvataggio Suisse 2021 – 74min.

Critique du film

Un journal intime contre des moulins à vent

Critique du film: Laurine Chiarini

Cinquième film réalisé par la Valaisanne Floriane Closuit, Salvataggio relate son long combat contre une maladie dégénérative. De confidente au début, la caméra va se transformer en miroir, puis en soutien salvateur au fil du cheminement physique et spirituel de la réalisatrice.

Ce qui avait commencé comme une simple douleur à un pied lors d’un jogging en mai 2006, se transforme, trois ans plus tard, en diagnostic implacable : Floriane est atteinte d’une sclérose en plaques secondaire progressive « contre laquelle on ne peut rien faire », selon l’avis de son médecin. Caméra au poing, elle décide alors de documenter son parcours : bataillant contre un corps qui la lâche petit à petit, filmant le parcours difficile vers l’acceptation, elle témoigne d’une résilience considérable.

Au début, l’image occupe tout l’écran : depuis un train, un paysage de bord de lac défile en arrière-fond du récit que déroule Floriane, moment de l’annonce du diagnostic, coup de massue et contraste entre la froideur des mots techniques du médecin et la simplicité de ceux du quotidien pour narrer une journée presque ordinaire. Puis arrive la surface de l’eau, vaguelettes et reflets turquoise qui invitent à la baignade : dans le cas de Floriane, l’adage « l’eau, c’est la vie » prend tout son sens, comme on le comprendra plus tard. L’image se rétrécit pour laisser place à sa fille Elisa, qui chante en s’accompagnant au piano. Présences décisives dans le processus d’acceptation, le soutien que lui apportent ses proches n’est pas que moral : Elisa accepte de la filmer alors que son ami Yannis, qui se bat aussi contre les affres de la maladie, est l’auteur de la bande-son.

À qui est destiné ce film ? Intimiste, hautement personnel, ce journal de bord filmé sert avant tout d’exutoire dans lequel la caméra, sans jugement, sert de point d’ancrage dans un quotidien mouvant. C’est d’abord pour elle-même que Floriane film son existence, dans une démarche à la fois artistique et thérapeutique. Ayant tenté tous les remèdes possibles sans résultat, elle s’essaie avec succès à l’art-thérapie : les textures et couleurs des tissus qui forment ses collages lui permettent de renouer avec « le large, la légèreté et la féminité ». Faire un film est une façon d’avancer vers un but défini, permettant à la réalisatrice de retrouver dans l’intention la force qu’elle pensait avoir perdue. Mais Salvataggio s’adresse aussi aux autres : en Suisse romande, les projections seront suivies de conférences touchant au thème de la maladie, permettant de poursuivre la conversation sur un sujet sociétal qui peut concerner chacun d’entre nous.

Au début, Floriane se raccrochait beaucoup aux autres, à son mari en particulier : témoin d’années difficiles, la caméra lui permet peu à peu de s’émanciper, au fur et à mesure qu’elle arrive à puiser en elle-même la force pour continuer d’avancer. Paradoxalement, mieux elle va, plus la maladie semble progresser : c’est en Grèce, à Paros, sur une île des Cyclades, qu’elle trouve un environnement salvateur. L’eau qui enlève au corps toute apesanteur, le rythme de vie plus tranquille et la présence de personnes bienveillantes lui permettent de se ressourcer sans être toujours ramenée à sa maladie. Alors que sa vie en Suisse souffre d’une crise de la perfection, comme l’explique son ami et compositeur Yannis, l’existence à Paros lui permet de redéfinir sa relation aux autres et à elle-même, offrant au passage un message d’espérance percutant.

15.03.2022

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