Twist à Bamako France 2021 – 129min.
Critique du film
Rêves des lendemains qui chantent
Une musique rock’n’roll, des militants qui rêvent d’un monde plus juste ou s’indignent face à l’inflation et une histoire d’amour aussi belle que tragique, voilà ce que propose le 22e long-métrage du réalisateur Robert Guédiguian, qui transforme pour l’occasion une ville sénégalaise, Thiès, en capitale du Mali pour relater les désenchantements de celles et ceux qui voulaient faire de leur pays un exemple après l’indépendance.
Samba (Stéphane Bak) est un jeune idéaliste beau parleur, mandaté pour parcourir les villages reculés du pays et y faire l’éloge du socialisme, qui peine encore à convaincre la population. Toutefois, ses certitudes sont ébranlées lorsqu’il permet la fuite de Lara (Alice Da Luz), une jeune femme mariée de force au petit-fils du chef d’un village bambara. Mais dans le Mali de 1962, l’amour naissant exige des sacrifices, car tandis que la vie de Lara est menacée par son frère et son mari partis à sa recherche, celle de Samba devient tout aussi précaire lorsque ses amis retournent leur veste et que la répression du gouvernement frappe ses proches.
Plutôt que de raconter l’après-révolution socialiste en plaçant son récit dans un pays anciennement communiste, Robert Guédiguian préfère un Mali en ébullition, dont il dévoile la capitale colorée, reconstituée, fantasmée, qui n’a pas le temps de panser ses blessures causées par le colonialisme français que déjà ses habitants se divisent. Aussi, le réalisateur fait sienne la révolution intérieure du protagoniste, déçu par les promesses d’un État intraitable et trop lent pour aider celle qu’il aime.
Mais désireux d’étendre leurs thèmes politiques à d’autres domaines sociétaux, les scénaristes s’embourbent dans des théories simplistes et un manque de subtilité comme de contexte offert aux spectatrices, illustré notamment par les saynètes lunaires des débats sur la fermeture des clubs, lieux d’impérialisme occidental selon le gouvernement. En outre, cela devient un défaut lorsqu’après diverses transitions laborieuses d’un conflit à un autre, danser le twist n’apparaît toujours pas comme le point d’ancrage essentiel de la vie des jeunes gens, mais comme un accessoire de plus pour habiller le film.
Pourtant, entre une ouverture en noir et blanc et d’innombrables arrêts sur image pour capter la fureur de vivre à travers une danse, l’hommage au Bamako d’antan et à celui qui a photographié sa jeunesse dans les années 60, Malick Sidibé, duquel le réalisateur s’est inspiré, apparaît sincère et rend l’introduction charmante. Seulement, les péripéties s’enchaînent ensuite, cousues de fil blanc, voire grotesques des scènes de violence jusqu’au final plus contemporain, empreint d’un espoir niais qui ternit la sincérité de la romance et laisse dubitatif.
Si certaines intentions louables se perdent dans une galerie de personnages trop foisonnants, d’autres sont malvenues comme l’arc de Lara conclu par son impossibilité d’avoir droit, avant des siècles, à l’autodétermination et à la justice. Par chance, cette intrigue ne saurait amoindrir le talent d’Alice Da Luz dans son premier rôle, à la fois le cœur émotionnel du film et sa plus grande qualité. Finalement, Robert Guédiguian aura su sublimer les paysages sénégalais, offert une maladroite leçon d’histoire, mais l’âme du film aura fait défaut.
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