Babysitter Canada, France 2022 – 87min.
Critique du film
Une fée au pays des faux féministes
Deuxième réalisation de l’artiste québécoise Monia Chokri, Babysitter poursuit l’examen de la misogynie rampante dans les couples comme au travail avec un humour acerbe et une photographie ravissante.
C’est avec une ouverture étouffante et suintant le «male gaze» (regard masculin), qui s’achève dans un bain de sang, que Monia Chokri choque et présente les thèmes phares de son film. De l’aliénation domestique d’une femme en congé maternité aux hommes cis qui se rêvent égéries du féminisme moderne sans pour autant perdre leurs privilèges, la réalisatrice et la scénariste Catherine Léger, qui adapte sa pièce de théâtre, dynamitent les couples de banlieue et leur confort surfait. Ce faisant, elles explorent les dynamiques putrides de domination des classes aisées en y incorporant l’horreur et le merveilleux. Les répliques fusent, les interprètes s’amusent et on en redemande.
Bien que chaque plan, du bain moussant au champ de coquelicots, pourrait être encadré, cette surenchère pour instaurer une atmosphère de conte amoindrit parfois la morale. Aussi, la parodie du concept sexiste de Lolita est impeccable lorsque Amy, la baby-sitter à l’univers pastel, se sait observée ou s’habille en soubrette. Mais lorsqu’elle est filmée comme objet et non plus sujet de désir et ne sert qu’à réconcilier le couple original, la métaphore s’effrite. Peut-être qu’une situation de départ moins cloisonnée aurait permis une analyse plus pointue du sexisme, mais tant que le rire et le malaise demeurent les objectifs premiers de cette comédie, nul doute qu’elle réussit son pari.
(Festival international du film fantastique de Neuchâtel 2022)
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