Empire of Light Royaume-Uni, Etats-Unis 2022 – 115min.

Critique du film

Éloge aveuglant de l’immobilisme

Critique du film: Eleo Billet

Sortant à quelques semaines d’écart de The Fabelmans (2023) et Babylon (2023), Empire of light fait l’étalage d’un autre aspect emblématique du 7e art : la salle de cinéma. Si le film de Sam Mendes charme par sa direction artistique et le jeu d’Olivia Colman, il reste à distance de ses thèmes et altérise ses personnages et leur romance tiède.

Dans le cinéma d’une ville balnéaire du Sud-Est de l’Angleterre, travaille Hilary (Olivia Colman). La cinquantaine, elle vit avec sa bipolarité, jongle entre sa solitude, sa léthargie et couche bon gré mal gré avec son supérieur marié (Colin Firth). Son existence change à l’arrivée de Stephen (Micheal Ward), qui dénote à ses yeux par sa douceur et parce qu’il est le seul employé noir. Hilary se lance à cœur perdu dans sa relation avec Stephen et ils deviennent très vite amants. Mais la santé mentale d’Hilary reste fragile alors que l’extrême droite prend Stephen pour cible.

Premier film que le réalisateur Sam Mendes scénarise seul, Empire of light se démarque de ses précédentes œuvres par son manque d’équilibre et son incapacité à proposer une réflexion cohérente et personnelle. À commencer par l’histoire d’amour centrale, qui débute bien trop tôt sans que soit montré ce que Stephen trouve à Hilary. Le récit souffre de scènes mélodramatiques répétitives qui ne permettent jamais de comprendre qui sont ces personnages, ce qui les anime. Le racisme et la bipolarité sont ainsi guéris grâce à l’amitié autour du cinéma, dans l’esprit du long-métrage Green Book (2018) de Peter Farrelly.

Mais sous les lumières superbes signées Roger Deakins et les décors majestueux d’un étage de cinéma abandonné, l’artificialité et l’immobilisme priment. Sam Mendes privilégie les images choc de passages à tabac et de crises psychotiques où l’empathie pour les personnages est absente, eux qui sont pris en pitié à travers les yeux de leur partenaire. Même son discours sur la beauté de la pellicule et de la lumière, qu’il met dans la bouche d’un vieux projectionniste (Toby Jones), est un exercice de vanité où la passivité du public face aux images est célébrée tandis qu’est abondamment cité Bienvenue, mister Chance (Hal Ashby, 1979) à une spectatrice qui ne s’est jamais intéressée au cinéma.

Bel emballage d’une œuvre vide, Empire of light a le mérite de s’intéresser en surface à des exploitants et employés d’un cinéma de province, et sert de tremplin pour que se déploie le talent de Micheal Ward, déjà excellent dans le film «Small Axe: Lovers Rock».

28.03.2023

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Commentaires

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Cyril

il y a 1 an

Quel ennui!


geradupo

il y a 1 an

Mouais… je suis fan de Sam Mendes, mais là je suis un peu déçue. C’est un film fourre-tout dans lequel il évoque beaucoup de sujets: sa passion pour la projection d’un film dans une salle obscure, le patriarcat et le racisme dans l’Angleterre de Thatcher, un amour entre une femme mûre et un beau mec de 20 ans son cadet, la vie quotidienne d’une schizophrène…on s’y perd. Restent les images léchées et magnifiques d’un cinéma et de paysages de bord de mer et l’interprétation toujours géniale d’Olivia Colman.Voir plus


vincenzobino

il y a 1 an

4.5: La fin de la culpabilité
1981: sud de l’Angleterre: Hilary responsable de l’accueil du cinéma Empire et maîtresse malgré elle du directeur Donald Ellis, tombe sous le charme de Steven le nouvel employé. Lorsqu’une importante avant-première doit s’y dérouler, la politique d’alors pourrait bien influencer les destinées sentimentales et humaines.
Le voici ce retour de Sam Mendes qui après toutes ces superproductions et œuvres fortes nous propose une rencontre intime sous fond politique hostile. Une très touchante expérience.
Sur le premier quart-d’heure, on se pose bien des questions : pourquoi Hilary agit-elle de la sorte, comment Steven sachant son parcours et le traitement d’alors envers les hommes de couleur dont il est, est-il arrivé là sans dommages?
Puis au fil du film et avec de révoltantes séquences sur la réalité politique d’alors, l’on découvre les véritables personnalités et les conséquences de ces blessures en soi, particulièrement sur Hilary qui vous rappellera par moments un célèbre patient des années 1970 confronté à une infirmière, illustration sur une séquence ornithologique splendide.
Pas d’effets visuels ou émotionnels mais une véritable déclaration d’amour à tous les cinéphiles des années 1970 et début des années 1980 avec une photographie exceptionnelle, un casting éblouissant particulièrement Olivia Colman et Toby Jones, et surtout un ultime quart-d’heure qui en dépit de sa situation va néanmoins vous offrir un sourire profond par un verdict touchant : il ne faut pas être coupable de qui et comment nous sommes. Le dernier hommage à un film culte du début de cette décennie en est la parfaite illustration: il ne sert à rien de chercher à se déguiser en monstre, il faut rester humain.
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