Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse Belgique, France 2022 – 83min.
Critique du film
Du temps des princes et de leurs amantes
En vingt ans, Michel Ocelot et ses équipes ont transformé le visage de l’animation franco-belge et offert à tous les publics des récits inoubliables, de Kirikou et la sorcière (1998) à Dilili à Paris (2018). Ni anthologie, ni grande œuvre romanesque, leur nouvelle création Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse assume sa modestie sans renier la poésie de ces contes bien connus.
Trois histoires et autant d’époques lointaines et de mondes sublimés dont une conteuse fait le récit sur le chantier d’une France à reconstruire. D’abord l’épopée d’un roi kouchite amoureux d’une femme qu’il ne pourra épouser que s’il devient Pharaon d’Égypte. Ensuite une légende d’Auvergne au sujet d’un garçon brave, chassé de son château par son père et recueilli par la nature, qui se fait justice lui-même. Finalement le conte d’un amour dit impossible entre un prince déchu, vendeur de beignets depuis, et une princesse turque éprise de liberté et de musique.
Dans Les Contes de la nuit (2011), Michel Ocelot prenait les traits d’un vieux technicien de cinéma pour faire voyager les jeunes dans ses histoires. Il laisse ici à une jeune conteuse en bleu de travail le soin de prendre la relève, tout comme il a laissé plus d’opportunités à ses équipes d’animation de nous transporter dans l’imaginaire de son film Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse. Ce touchant passage de flambeau méta-textuel, également renforcé par la foule en ombres chinoises qui s’émerveille autour de la conteuse et lui souffle des idées, n’est toutefois pas totalement convaincant, de par le manque de rigueur qui en découle. Avec trois contes à explorer et peu d’occasions de les laisser respirer, le manque d’ampleur et d’originalité du projet est criant.
Par bonheur, chaque histoire se distingue des autres par sa technique d’animation : de l’animation 2D épurée et ses personnages de profil en Égypte antique, aux silhouettes noires qui contrastent d’autant mieux avec les couleurs vives des bijoux et des verreries, en passant par l’animation en relief pour représenter l’opulence d’un palais turc. Mais même le charme des étoffes et des épices qui sont pour la première fois, dans le cinéma de Michel Ocelot, d’un détail époustouflant n’efface pas les malheureuses répétitions des actions et des décors qui alourdissent les histoires et empêchent une exploration plus approfondie des personnages. Ainsi, les jeunes femmes restent des princesses que seul un homme peut séduire et délivrer, ce qui contredit la morale sur l’auto-détermination et le rejet des figures autoritaires avancée par le cinéaste.
Mais bercé.e par la bande-son envoûtante, on reste attendri.e par la vision de Michel Ocelot sur le pouvoir de l’amour et de l’imagination. Espérons maintenant qu’il reviendra bientôt repousser les limites de l’animation et transporter avec lui nos cœurs d’enfants.
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