Mad Heidi Suisse 2022 – 92min.
Critique du film
Trash in the Alps
Enfin! Johannes Hartmann, Sandro Klopfstein et leur équipe de passionné.e.s ont accompli leur extravagant projet : réaliser la première œuvre de Swissploitation. Seulement, leur remaniement de la trame du roman de «Johanna Spyri» et leur reprise de la forme des films Grindhouse est aussi hasardeux et arriéré que jouissif lorsque l’hémoglobine finit par recouvrir les murs.
Cela fait vingt ans que la Suisse est devenue une dictature fromagère fasciste, contrôlée par le sadique Président et entrepreneur Meili (Casper Van Dien), le machiavélique Kommandant Knorr (Max Rudlinger) et le dangereux scientifique le Dr. Schwitzgebel (Pascal Ulli). Depuis lors, Heidi (Alice Lucy) vit paisiblement dans les Alpes, entourée de son grand-père Alpöhi (David Schofield), membre de la Résistance, et de son amoureux et contrebandier Goat Peter (Kel Matsena). Mais lorsque l’armée exécute Peter et emprisonne Heidi, la jeune femme va commencer à rendre les coups pour enfin se venger et renverser le Président.
Suite aux grandes heures de Jesús Franco et à l’exception de quelques productions manquant de savoir-faire, la Suisse n’était plus connue comme un terreau propice aux films dépeignant l’ultra-violence, la nudité et l’action de manière décomplexée. Pourtant, le duo de cinéastes Johannes Hartmann et Sandro Klopfstein était bien décidé à changer les règles de l’industrie et repousser les limites avec leur projet comportant de nombreuses scènes de combats agrémentées de VFX, à la distribution anglophone et, bien sûr, rendant hommage au cinéma d’exploitation qui tache. En dépit d’un budget trop faible pour leurs ambitions, ils semblaient prouver que l’Helvétie pouvait compter sur des artistes et un public friands de tripes, de torture comique et de jeux de mots autour du fromage.
Mais n’est pas Tarantino ou Ti West qui veut et, dans le cas de Mad Heidi, réussir à produire et réaliser un tel film en Suisse est bien plus admirable que l’œuvre finale. Revendiquant de ne pas se prendre au sérieux, le long-métrage puise allégrement dans ses prédécesseurs, de Starship Troopers (1997), surtout que Casper Van Dien est à l’affiche, à Kill Bill (2003), en passant par le sous-genre des «femmes en prison» où le sadisme et l’érotisme sont retranscrits avec peu d’imagination et beaucoup de préjugés dommageables. À force de références par dizaines, les scénaristes en oublient de proposer un récit palpitant ou a minima amusant et s’éloignent de l’identité suisse qui faisait le charme du projet. Pire, le montage peine à rendre les affrontements tendus, les conversations dynamiques ou les développements de personnages crédibles.
Si les antagonistes aussi caricaturaux que leurs accents sont un prérequis du genre, la rapidité de l’évolution d’Heidi, et son absence chez Klara, pourtant annoncée comme héroïne d’une potentielle suite, pousse la spectatrice inévitablement à distance de ce qui lui est proposé. Et ce ne sont pas les effets spéciaux, loin d’être peaufinés, ou le personnage de Goat Peter reposant sur des stéréotypes racistes, qui rendent le film plus attrayant. Finalement, seule la dernière partie, où Heidi et autres défenseurs de la démocratie combattent des zombies et haranguent la foule, trouve un équilibre entre humour potache, morts gores à souhait et occasions pour les nouvelles venues Alice Lucy et Almar G. Sato de démontrer leur compétence en arts martiaux.
Production d’un nouveau genre financée entièrement par des passionnés du monde entier, Mad Heidi participe certes à la modernisation du système de financement des films indépendants, mais souffre d’un manque de direction et ne parvient pas à réinventer les codes des films d’exploitation ou à les adapter à notre époque, seulement à les copier avec amour, mais sans inspiration. Véritable œuvre de cinéma bis, Mad Heidi est à voir entre ami.e.s, si tant est que l’on passe outre ses nombreux défauts, pour le considérer comme un nanar en devenir.
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