Portrait d’un écrivain à l’éternel costume deux pièces propulsé dans ses propres histoires, Alles über Martin Suter. Ausser die Wahrheit. le suit dans le processus d’écriture entre les frontières linguistiques et propose une vision personnelle de la ligne mouvante entre réalité et fiction.

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Régulière, la voix du lecteur – narrateur déroule le fil des livres de Martin Suter. Sur la forme, elle oscille quelque part entre le dispositif d’un film comme L’'Incroyable destin de Harold Crick, où le protagoniste se met un jour à entendre le récit de sa propre vie, et le plus confidentiel Two or Three Things I Know About Edward Hopper, installation vidéo en 3D de Wim Wenders créée spécialement pour une exposition du peintre américain à la Fondation Beyeler, à Bâle, en 2020. Wenders parvenait à la fois à donner vie aux personnages des tableaux de Hopper avec un souci du détail d’une incroyable fidélité, tout en inscrivant les actions des protagonistes à notre époque.

L’assemblage entre des parties documentaires plus traditionnelles qui suivent Suter dans ses déambulations et l’incarnation de certains passages de ses livres à l’écran, scènes que leur créateur observe, un peu en retrait, à l’intérieur du champ de la caméra, est joliment réussi. Ces méandres entre son propre quotidien – il voyage fréquemment à l’étranger, retourne visiter les lieux de son enfance et présente les membres de sa famille – et celui de personnages jaillis de son imagination offre un regard inédit sur ce qu’il tient comme la vérité : c’est celle, personnelle, qu’il partage dans la fiction de ses livres.

C’est là que la seconde partie du titre, Tout sur Martin Suter. Sauf la vérité., prend son sens : ne vous attendez pas à un documentaire biographique autour d’un seul personnage, nous dit-il en substance, plutôt, acceptez de le suivre dans son imagination, où le «comment» l’intéresse autrement plus que le «quoi». La force de ses livres, d’après l’un de ses amis, lui aussi auteur, réside dans sa capacité à traiter des sujets de société, comme la maladie, en les mettant en scène sous une forme accessible, comme le roman policier. Notons au passage plusieurs apparitions de son ami et chanteur Stephan Eicher, pour qui Suter a écrit de nombreux textes et qui signe une partie de la bande-son. Le temps qui passe réduit l’espace, explique Suter ; c’est pourquoi il s’applique à le remplir en ne cessant jamais d’écrire. Les lecteurs peuvent se réjouir.

(75e Locarno Film Festival)