Love Life France, Japon 2022 – 123min.
Critique du film
Un drame débordant d’humanité
Après son duo «Suis-moi je te fuis» et «Fuis-moi je te suis», le réalisateur japonais Kôji Fukada présente «Love Life», un drame inégal, mais poignant, porté par une magnifique distribution.
Mère d’un enfant de six ans, Taeko (Fumino Kimura) est depuis peu l’épouse de Jiro (Kento Nagayama). Ensemble, ils vivent dans un appartement appartenant aux parents du jeune homme, qui voient d’un mauvais œil cette union. À la suite d’un drame, Park, le père biologique de l’enfant, réapparait. Parti sans explication, il est maintenant sans domicile fixe. Pour ne pas sombrer, Taeko décide de l’aider, quitte à faire passer son couple au second plan.
Kôji Fukada est un habitué des festivals. Alors que son long-métrage «Harmonium» remportait en 2016 le Grand prix du jury de la catégorie Un Certain Regard, «Love Life», de son côté, est nommé pour le Lion d’or à la Mostra de Venise 2022. Car le talent du cinéaste et la poésie des images qu’il propose à l’écran ne sont plus à prouver. Et aidé du directeur de la photographie Hideo Yamamoto, il offre, encore une fois, une œuvre lumineuse et minutieusement construite. Jeux de distance, de déplacements, plans larges, plans rapprochés, la caméra multiplie les mouvements pour aider à laisser transparaître les sentiments des personnages, malgré leurs difficultés à les exprimer.
Car si ceux-ci échangent et discutent - parfois en criant d’un balcon à l’autre - les non-dits hantent chaque parole, chaque phrase. Avec brio, l’actrice Fumino Kimura casse la monotonie d’expression de son personnage grâce à une magnifique performance. Chacun de ses gestes, empreints d’émotion, illustre clairement ses tourments intérieurs et s’oppose au manque de communication omniprésent dans son couple. Une communication fluidifiée avec Park, son ex-mari coréen et malentendant, superbement interprété par Atom Sunada. Entre lui et Taeko, les échanges s’intensifient. L’utilisation du langage des signes coréens, que le public japonais avait déjà accueilli sur ses écrans avec le superbe «Drive my Car» de Ryûsuke Hamaguchi, brise l’uniformité vocale avec d’agréables instants d’intensité cinématographique.
Loin de n’être qu’une simple chronique familiale, le long-métrage se fait l’illustration des tourments de la société. La famille, la solitude, la religion, l’administration : autant de pressions extérieures qui impactent le cours de nos existences. Mais si la poésie de l’œuvre est évidente, son rythme pourra souvent perdre le public. Car les 120 minutes ne parviennent pas toujours à capter notre attention malgré des ressorts dramatiques appréciables. «Love Life» n’en reste pas moins un drame débordant d’humanité, illustration du savoir-faire japonais.
Votre note
Commentaires
Je ne me lasse pas des films japonais. C'est toujours intéressant d'observer leur réserve quand ils ont du chagrin, quand ils vivent des drames, quand ils sont amoureux, juste une étreinte pour fixer l'image, à peine une baiser ! Tout à fait inhabituel aussi quand une jeune femme pardonne à un homme âgé, à condition que l'insulte soit retirée, donc reconnue, ce qui est à mon avis la seule possibilité de pardonner. Un film riche parce que le handicap physique y est traité naturellement, sans jugement. J'observe dans ce film une relation avec la Corée ce qui est plutôt rare il me semble. Deux heures et demi à observer leurs jeux amoureux, social, familial. Pourquoi pas !… Voir plus
“Still walking”
Taeko et son jeune fils Keita vivent dans une banlieue nippone avec Jiro qu’elle a épousé il y a un an. Un drame terrible va ébranler ce trio fragile.
Ils ont emménagé dans le petit appartement familial, laissant les parents de Jiro s’installer dans l’immeuble d’en face. Une configuration spatiale qui mêle au côté pratique une redevabilité pesante. Le beau-père de Taeko ne l’a jamais acceptée, allant jusqu’à la considérer comme un produit recyclé. Une insulte lancée lors d’un anniversaire tout en lui tournant le dos. Réaction plus rare dans le cinéma japonais, une résistance féminine exigeant des excuses de ce patriarcat d’un autre âge. Avec diplomatie évidemment. L’accident terrifiant qui suivra entraînera une remise en question de chacune et chacun, ainsi qu’un retour brutal du passé qu’il faudra savoir affronter et accepter droit dans les yeux.
La trame évoque celle du foudroyant Still walking dont l’un des personnages était également une mère seule avec enfant qui peinait à se faire accepter par le clan de son nouveau mari, marqué par un deuil cruel. Hélas, Kôji Fukada manque de la délicatesse de Kore-eda pour faire avancer son récit où chaque détail a son importance. Les péripéties s’enchaînent parfois maladroitement et il lui faut une gifle pour faire couler des larmes grossières. Plus mécanique que sensible, malgré une mise en scène maîtrisée, son mélo finit par disperser l’émotion promise.
(6/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
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