L'Amour et les forêts France 2023 – 105min.
Critique du film
Un thriller éprouvant
Virginie Efira et Melvil Poupaud excellent dans le nouveau film de Valérie Donzelli, inspiré du roman d'Eric Reinhardt.
C'est l'histoire d'une femme captive, prisonnière d'un enfer conjugal dont elle n'arrive pas à sortir. Lorsqu'elle rencontre Grégoire Lamoureux à une fête, Blanche sort d'une rupture et n'est pas très encline à sortir ou à faire de nouvelles connaissances. Celui-ci la drague frontalement, mais sans lourdeur, avec charisme et esprit ; point de départ de ce qui semble être une relation idyllique. Des scènes de sexe hyper sensuelles, une escapade en amoureux… Blanche et Grégoire nagent dans le bonheur. Pourtant, la tension est palpable et les spectateurs comprennent d’emblée que quelque chose ne tourne pas rond. De Caen (en Normandie), ils déménagent à Metz (en Lorraine), loin de la famille de Blanche et de leurs autres connaissances. Le gentil Lamoureux devient de plus en plus possessif et contrôlant, tandis que Blanche ne comprend pas ce qui lui arrive…
Avec Virginie Efira et Melvil Poupaud, Valérie Donzelli a probablement choisi l'un des meilleurs duos que le cinéma français peut offrir actuellement. Autant leur binôme fonctionne, autant chacun incarne un personnage loin d'être évident à jouer avec une grande dévotion. Quant au scénario de «L'amour et les forêts», co-écrit avec l’auteur du roman Eric Reinhardt et avec Audrey Diwan (Lion d’Or à Venise en 2021 avec «L’événement)», il prend aux tripes et à la gorge, montrant avec brio l’engrenage, le processus de manipulation tordue qui s’installe tout doucement, si bien que la prise de conscience est longue. Blanche est d’abord aveuglée, puis captive de cette emprise maléfique, de cet isolement, incapable de parler à qui que ce soit, car elle ressent de la honte.
Il est terrifiant de voir à quel point les choses vont loin et de réaliser en même temps que cette situation pourrait arriver à priori à n'importe qui. La mise en scène se révèle d’une efficacité redoutable et l’atmosphère du thriller est fortement présente, donnant parfois quelques sueurs froides grâce à un suspense bien tenu. Et lorsque Valérie Donzelli place la caméra - et donc les spectatrices et les spectateurs - à l’extérieur de la maison, observant à travers la vitre, la sensation d'enfermement et d'étouffement est d’autant plus renforcée. Au final, «L'amour et les forêts» procure des émotions violentes et intenses et ne laisse pas le public complètement indemne.
(Cannes 2023)
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Commentaires
Encore un film ou Virginie Efira excelle ! Un sujet pas facile à traiter si l'on ne veut pas tomber dans le piège de Meetoo et de tout ce qui en découle. Toujours juste dans leurs rôles respectifs, le duo Efira-Poupaud fonctionne très bien et grâce à eux j'ai passé par toutes les émotions possibles. Ensuite, la narration m'a beaucoup plu car elle m'a permis de fortement diminuer le côté oppressant du scénario. Bien que ce soit une fiction, ce film est malheureusement représentatif d'une certaine société. Un seul petit regret, j'aurai espérer avoir deux ou trois minutes de plus à la fin pour le verdict du tribunal. (G-05.06.23)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
“Les nuits avec mon ennemi”
Lors d’une soirée festive, Blanche rencontre Grégoire, un ancien camarade. Il a gagné en charme. Elle est séduite, lui aussi. Ils se marient et fondent une famille. Mais l’homme se révèle au fil des ans de plus en plus possessif.
Cela commence comme une romance à l’eau de rose. Le beau ténébreux, cigarette au bec, aborde l’oiselle esseulée. Il s’appelle Lamoureux, tel un acteur ou héros de roman. La professeure de français, éprise des livres, s’émeut : « Il était insatiable et d’une tendresse infinie, dit-elle, j’étais folle de lui… »
A posteriori, cette approche avait tout du loup guettant sa proie dans la forêt. Après le bonheur, l’étreinte ardente devient un piège. Déménagement, isolement, emprise, jalousie. L’emploi du temps de Madame et chaperonné par Monsieur qui se révèle de plus en plus menaçant. Le film montre bien la perversité narcissique de Grégoire qui parvient d’une voix diabolique et en quelques mots à culpabiliser celle qui étouffe dans ses bras et tente de retrouver son souffle dans ceux d’un autre : « Tu ne dois pas m’aimer beaucoup pour m’avoir laissé devenir ce monstre », lui reproche-t-il. Ce vrai visage qu’il reconnaît dans la glace de la coiffeuse emportée de Blanche : « Miroir, miroir, dis-moi qui est le plus toxique ». Ce rôle bivalent, Melvil Poupaud l’endosse avec rigueur, rappelant celui de tueur qu’il tenait dans la série Insoupçonnable. Face à lui, Virginie Efira se dédouble aussi en interprétant des jumelles. Le couple se distingue nettement au milieu de personnages secondaires juste esquissés. Entre les rideaux de la mezzanine où il dort se construit une scène de la vie conjugale.
Sans retrouver la légèreté amusante qui la caractérise, Valérie Donzelli ose quelques effets : des filtres de couleurs pour illustrer la passion, le désir, la colère ou les nuits d’angoisse. Puis une séquence chantée à la Jacques Demy, un chignon à la Hitchcock avant que les griffes de M. Hyde ne serrent le cou de sa victime expiatoire. Des coquetteries stylistiques qui permettent à la réalisatrice d’apporter à ce sujet de société hélas plus qu’actuel un peu de sa personnalité.
(7/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
Le Sentier de la perdition
Blanche rencontre Grégoire et c’est le coup de foudre immédiat sur la côte Atlantique. Mariage, grossesse, déménagement à Reims... et début des ennuis sous forme de possession et de rencontre forestière.
Le voici ce retour de Valérie Donzelli s’attaquant à l’adaptation du redoutable procès littéraire sur le mal-être du couple possessif. Avec brio
Comment un coup de foudre peut amener un tel destin avec bonheur se transformant en errance et destruction massive de part et d’autre. Car n’ayant pas lu le livre mais une interview de Melvil Poupaud, je m’attendais à un acharnement masculin massif sur une victime innocente. Or, si victime elle est incontestablement, l’innocence peut se discuter.
Atmosphère multiple durant le film : amusement sur le « double » de Blanche, espoir sur le début de la relation, puis double inquiétude et finalement effroi psychologique (et non visuel à une exception près) avec dérive fatale et conséquences psychologiques incurables. Dans le film si Grégoire est le monstre, la perdition de Blanche est également sur le banc des accusés. Et mon petit regret serait peut-être que ce double procès suggéré dans le final ne nous soit pas davantage livré. Car excepté cet accroc, la relation toxique ici présentée est absolument remarquable avec de brillants interprètes, particulièrement Virginie Efira spectaculaire dans ce double rôle, Melvil Poupaud qui confirme ce que l’interview lue confirme la volonté de dénoncer les actes masculins sans chercher de circonstances atténuantes, et Romane Bohringer qui rappelle son expérience fauve sur ce bref sentier. N’oublions pas la forte musique de Yared et les prises de vues avec un mélange sombre clair menant à la perdition psychologique mais nullement cinématographique.
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