Rosalie Belgique, France 2022 – 115min.
Critique du film
Différences assumées, à moitiés pardonnées
Deuxième long-métrage de la réalisatrice française Stéphanie Di Giusto, Rosalie propose un regard rafraîchissant sur le rapport aux corps qui sortent de la norme.
À la fin du 19ème siècle en France, Paul (Gustave Kernern) trouve enfin un homme voulant bien se marier avec sa fille, Rosalie (Nadia Tereszkiewicz). D’abord agréablement surpris à la vision de sa très jolie future femme, Abel (Benoît Magimel) désenchantera rapidement lorsqu’il découvrira le secret de sa promise : depuis sa naissance, son corps est recouvert de longs poils, une barbe pousse sur son visage si elle ne se rase pas. Bientôt révélée au reste de leur village, cette particularité physique sera l’objet de plusieurs bouleversements au sein de cette petite communauté.
Les longs-métrages à la Elephant Man, mettant en scène des personnages ostracisés à cause de leurs particularités physiques, tirent bien souvent sur la corde du sentiment d’injustice pour impliquer les spectateur·ice·s dans leur récit. Quel·le spectateur·ice oserait ne pas s’indigner devant un individu violemment maltraité, non, car il est mauvais, immoral, mais uniquement, car il est différent ? La recette est simple, le message humaniste irréfutable ne peut provoquer que l’adhésion au discours du film.
Or Rosalie nous réjouit puisqu'il parvient à contourner ce lieu commun et faire de notre personnage principal non un réceptacle passif d’une violence profondément injuste, mais plutôt un sujet actif, qui trouvera l’ingénieux moyen de faire de sa spécificité une force. Consciente de la curiosité que représente sa barbe, de son potentiel spectaculaire, elle décidera de ne plus la raser, de la laisser pousser pour attirer des consommateur·ice·s dans l’auberge loin d’être rentable de son mari, lui permettant alors de rembourser ses dettes. Assumant entièrement sa pilosité, elle sera admirée bien plus que moquée.
Finement, le long-métrage sait aussi nous montrer que si des individus sortant du cadre de ce que la société considère comme normaux sont acceptés par cette dernière, ça ne sera qu’en tant que source de spectacle. Une fois sortis de cette case, la moindre petite erreur peut faire surgir toute la violence à laquelle ils sont généralement exposés et provoquer leur rejet. La limite est très fine, tout peut basculer d’une seconde à l’autre. Et ce d’autant plus pour les femmes, que la honte et l’exclusion attendent d’un pied bien plus ferme, au moindre faux pas.
Outre sa reconstitution historique convaincante et ses jolies images, la forme de ce film peine malheureusement à proposer une formule correspondant au monde ambigu et surprenant que la narration nous propose. Très convenue et programmatique, elle se laisse notamment aller à de systématiques séquences rythmées par de la musique orchestrale extradiégétique, finissant par donner à ce joli récit une tonalité mièvre.
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