CH.FILM

A Sisters' Tale Suisse 2024 – 93min.

Critique du film

Félicité pour celle qui chantait sa liberté

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Dans le documentaire «A Sister's Tale», présenté en ouverture de la Semaine de la Critique du festival de Locarno, la cinéaste iranienne Leila Amini suit sa sœur Nasreen qui, malgré le régime des Mollahs et son conjoint, tente de reprendre sa vie en main.

En 2016 à Téhéran, Leila Amini commence à filmer sa sœur Nasreen. Femme au foyer, 35 ans, elle est empêtrée depuis 15 ans dans un mariage qu'elle avait accepté de force. Malgré un foyer baigné de l’amour qu'elle porte à ses deux enfants, son conjoint Mohammad, patriarcal et traditionnel, refuse de soutenir ses projets. Depuis 40 ans, les femmes iraniennes sont interdites de chanter en public. Qu’à cela ne tienne, Nasreen décide de se faire tatouer une clé de sol. Un moment privilégié que la cinéaste choisie pour entamer un processus de documentation qui durera sept ans. Caméscope au point, elle capte le récit de celle qui, contre vents et marées, entame une procédure de divorce et enregistre ses paroles. Nasreen a le rêve de chanter.

Le jour de la présentation du film «A Sister's Tale» à Locarno, la séance s'entame devant une salle comble. La Sala déborde. Les 90 minutes s'éclipsent bien vite et bientôt, la lumière se rallume sous un tonnerre d’applaudissements. Locarno est vraisemblablement conquis et soufflé (du moins, nous l'étions) par la volte de cette histoire et de son actualité. Aussi, Leila Amini venait d'offrir à sa sœur la chance de se produire, certes loin de l'Iran, mais en public et devant des centaines de personnes. «Je suis heureuse que ma famille soit là, et que l'on ait vu le film ensemble. C’est très important pour moi.» nous a-t-elle confié. «On veut que ces voix soient entendues. Et le fait de montrer le film dans un festival, ça m'a beaucoup touché. J’ai vu que les gens avaient entendu et le message du film.»

Sa mère l'implorait de ne pas le quitter. Sans hommes et sans argent, elle ne serait rien, lui assénait-elle. Dépression post-natale, divorce, anniversaires, ménage, chirurgie esthétique, leçons de chants, et enregistrements éclair derrière une porte fermée alors que les enfants braillent et réclament leur mère… Leila Amini encapsule à peu près tout, les tourments, l’éveil et Téhéran. La caméra attentive glane, çà et là, ce qui fait de l’existence de Nasreen une œuvre sur la résilience et la sororité. L’occasion de parler plus largement aussi des femmes qui se révoltent face aux lois du régime, et qui, derrière notamment le hashtag «I Take Back My Right To Sing», revendiquent leurs droits d’exister librement. Miroir aux allumettes d’une société brûlante, mais dans laquelle virevoltent encore des êtres pétris d’espoir, Leila Amini signe un documentaire d’une formidable humanité.

(Locarno 2024)

26.10.2024

4

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