Le bouton de nacre Chili, France, Espagne, Suisse 2015 – 82min.
Critique du film
Le Bouton de Nacre
L’histoire commence avec un bouton de nacre, retrouvé au fond de l’Océan Pacifique au large du Chili. Un trésor qui est la clé de l’histoire douloureuse du Chili et les nombreuses victimes du temps et de l’Histoire : les indigènes de Patagonie quasiment disparus, les premiers navigateurs anglais et les prisonniers politiques. Des eaux chiliennes au ciel peuplé de mystérieuses étoiles, le film tente de redonner sa voix au passé.
Mêler l’histoire des hommes à celle des éléments, confronter les rêves liés aux étoiles au cauchemar de la réalité, et rouvrir les plaies du passé du Chili avec une approche poétique : Le Bouton de Nacre rappelle Nostalgie de la lumière, le précédent film de Patricio Guzmán sorti en 2010, et prouve à nouveau l’indéniable talent du cinéaste chilien pour filmer son pays et la douleur silencieuse des siens. Au pathos, il préfère la poésie, illustrée par une voix-off éthérée et un montage impressionnant, qui mélange les niveaux de lecture jusqu’à composer une œuvre inattendue – nul ne sera surpris de savoir que Guzmán a commencé sa carrière auprès de l’iconoclaste Chris Marker, en 1973 sur la trilogie La Bataille du Chili. Célébré par un Ours d’argent du scénario à Berlin, Le Bouton de Nacre est donc un objet précieux, dont la valeur certaine permettra de passer outre une approche et un montage souvent difficiles à déchiffrer.
Votre note
Commentaires
Un poème d'une beauté glaciale, qui utilise l'eau pour décrire tant la beauté du Chili que la perversité de certains hommes, qui n'ont pas su se retenir de massacrer les indiens de Patagonie, ou les partisans de l'ex-président déchu Salvador Allende.
Nostalgie de la lumière, documentaire précédent du réalisateur, nous éclairait sur le désert d’Atacama, à l’extrême Nord du Chili en analysant le lien entre cosmos et géologie, tout en y révélant l’horreur politique dissimulée sous le sable. Principe similaire dans ce second volet du diptyque qui nous emmène tout au Sud du pays dans une histoire d’eau et de mémoire. A partir d’une gouttelette emprisonnée dans un bloc de quartz, le cinéaste évoque l’espace et les étoiles, la pluie, les glaciers, les torrents et les océans. Eau, source de vie, voie de circulation et de communication. Eau, source de mort, force menaçante et cimetière marin. Cette approche lui permet une nouvelle fois d’évoquer l’histoire chilienne : des peuples indigènes, de leur culture et langue où les mots "Dieu" et "police" n’existent pas, à leur extermination par la colonisation ; de la révolution Allende au coup d’Etat qui instaure le régime militaire. Entre ces époques éloignées, un modeste bouton de nacre. Les images de nature sont belles et glaciales lorsqu’elles reconstituent en détail les tortures infligées. Le discours, trop appuyé peut-être, demeure d’une grande limpidité. Le regard des témoins rescapés touche et rappelle que l’impunité est un double assassinat.
Pensée du jour : nous sommes tous les ruisseaux d’une même rivière.
7/10
twitter.com/cinefilik
cinefilik.wordpress.com… Voir plus
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement