Edmond France 2018 – 112min.

Critique du film

Du théâtre au grand écran

Alexandre Janowiak
Critique du film: Alexandre Janowiak

Dans le Paris de décembre 1897, Edmond Rostand est un jeune écrivain sans succès. Alors qu’il est en panne d’inspiration depuis deux ans, il se voit demander par Constant Coquelin de mettre en scène une pièce de théâtre. Cette pièce, il ne l’a pas encore écrite et n’a que trois semaines pour le faire. Pour l’instant il n’a qu’une chose en tête, son titre : Cyrano de Bergerac.

La pièce de théâtre d‘Alexis Michalik était véritablement une petite merveille. Grâce à une mise en scène terriblement ingénieuse et très originale, des dialogues de grande qualité, la multitude des genres, mêlant la comédie au drame, l’historique, la romance, l’épique, et des comédiens parfaits, Edmond était en tout point un régal d’inventivité. Nous pourrions (presque) en dire autant de l’adaptation filmique qu’en a tiré Alexis Michalik.

Avant d’être une pièce de théâtre puis un film, Edmond était un scénario, refusé par les producteurs de cinéma il y a quelques années, obligeant l’auteur à passer par les planches. Pour l’arrivée sur grand écran, on trouve à l’oeuvre une fluidité impressionnante. Motivé par les mêmes dialogues au mot pour mot, les mêmes scènes cocasses au mouvement près et parfois par les mêmes acteurs de seconds rangs, le film Edmond est captivant. À l’image de la folie qui anime le personnage de Rostand (surexcité Thomas Soliveles), le long-métrage déborde d’énergie et suit une dynamique effrénée.

Malheureusement, c’est sans doute ici que coince Edmond. En voulant garder, à la lettre près, l’intégralité de sa pièce de théâtre dans son film, Alexis Michalik en oublie de freiner l’ardeur des personnages et l’enchaînement des séquences. Ce qui fonctionne au théâtre ne marche pas forcément sur grand écran où le spectateur, entre deux scènes puissantes (émotionnellement, humoristiquement ou autre) a besoin de souffler pour la vivre pleinement. Ici, le réalisateur ne laisse jamais l’occasion au spectateur de mûrir un dialogue, un regard ou un événement. Tout va à mille à l’heure. De plus la mise en scène manque clairement d’inventivité (contrairement à la pièce qui faisait preuve d’une grande imagination) et à l’exception d’une très belle mise en abyme où le théâtre devient cinéma, Edmond manque d’âme techniquement. Dommage pour une œuvre au si grand cœur.

En bref !

Edmond est une adaptation fidèle de la pièce de théâtre originelle avec une envie débordante, une folie entraînante, des dialogues percutants et des acteurs solides. Dommage que le film ne laisse cependant pas le temps au spectateur de profiter amplement du spectacle, à cause notamment de son rythme excessif, presque épuisant.

08.01.2019

3

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

Eric2017

il y a 5 ans

J'ai vu Cyrano de Bergerac au théâtre de nombreuses fois. Un texte sublime, une histoire magnifique j'ai donc adoré ce film qui montre l'écriture de ce monument du théâtre français. Un vrai bonheur. Des actrices, des acteurs merveilleux et crédibles. J'ai été touché et ému. Deux petits bémols: 1) Pourquoi la scène de l'arbre a été partiellement tournée en extérieure? 2) Dans le générique de fin, on voit quelques grands acteurs ayant interprétés Cyrano. J'ai été très étonné de ne pas y voir Belmondo qui a été un magnifique Cyrano. Sinon, à voir et à revoir. (G-14.01.19)Voir plus

vincenzobino

il y a 5 ans

pour la scène de l'arbre, elle a été tournée sur le lieu-même du film de Rappeneau ce qui en fait l'hommage mentionné dans ma critique. Et tout juste aussi pour Bebel absent, tout comme Huster...

Eric2017

il y a 5 ans

@vincenzobino Merci pour vos précisions. Et oui j'ai également oublié Huster.


CineFiliK

il y a 5 ans

“Pied de nez”

Alors que sa dernière tragédie, malgré Sarah Bernhardt, est un four, le jeune Edmond Rostand perd foi en sa plume. Mais quand Constant Coquelin, acteur fameux et endetté, exige de lui un nouveau rôle, l’acculé n’a guère le choix ; il lui faut écrire au plus vite une comédie qui a du nez.

Il n’y eut personne pour accepter d’en faire un film. Plus finaud que l’adversité, Alexis Michalik transforma son scénario en pièce. Auréolée de succès, voilà son histoire de coulisses enfin adaptée au cinéma. La boucle est bouclée, le rêve initial, réalisé sous forme d’un joli pied de nez. Pas certain cependant que le passage de la scène à l’écran valorise l’œuvre qui perd ainsi la mise en abyme du théâtre dans le théâtre. Difficile aussi d’être à la hauteur du texte d’origine, de ses vers et de ses rimes, la comparaison ne pouvant que faire ombrage à la relecture et ses écarts historiques. La tirade nasale aurait ainsi été improvisée en un rien dans un couloir au décor inspirant. Le génie créatif n’a jamais paru si simple.

En dépit de ces faiblesses, il s’échappe de cet esprit troupier suffisamment de sympathie et de bienveillance pour élever ce Cyrano enjoué à des hauteurs à vue de nez inatteignables pour la plupart des comédies françaises.

6/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


vincenzobino

il y a 5 ans

La tirade du flair
1897: Edmond Rostand, auteur de théâtre, accumule les fiascos. Le directeur du théâtre et illustre acteur Constantin Coquelin lui commande une pièce à livrer en une semaine, faute de quoi les administrateurs fermeront l’établissement. En panne d’inspiration, c’est la belle Jeanne, dont il tombe amoureux, qui va lui inspirer la création du plus célèbre nez du théâtre. Encore faut-il trouver ses interprètes...
La voici donc cette retranscription de la pièce éponyme, dont je n’avais jamais entendu parler, étant pourtant un amoureux du texte de Rostand. Mon instinct me chuchota de tenter l’expérience, je l’en remercie et fut touché.
Quiconque connaît le texte va en effet être subjugué par sa mise en place donnant lieu à des situations extra-théâtrales de toute beauté avec ce grain de folie dont était empli l’auteur.
Et l’occasion pour Olivier Gourmet, après d’illustres noms d’être à son tour chanteur, rêveur et passeur de mots. Les décors sont exquis et l’hommage final au succès du chef-d’œuvre illustré notamment par cette géniale retranscription de l’acte final nous émeut.
A recommander vivement aux amoureux de ce texte..Voir plus


Autres critiques de films

Venom: The Last Dance

Anora

Lee Miller

Smile 2