L'Ordre des médecins France 2018 – 93min.

Critique du film

L’autre face de la médecine

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Du haut de ses 37 ans, Simon voit sa vie défiler au milieu des blocs. Pneumologue de métier, il voit les malades et la mort se confronter à lui chaque jour. Après des années dans ce milieu, il s’est créé une carapace indestructible. Un vrai coeur de pierre. Mais les aléas de la vie vont toucher une corde sensible : sa famille. Le jour où sa mère est admise dans le même hôpital où il travaille, Simon verra ses convictions en prendre un coup. Le professionnel et l’intime se mélangent et la mécanique s’enraye. Simon perd le fil de sa vie.

David Roux se lance dans le toujours étrange microcosme médical pour son premier long-métrage. Fils de chefs de service hospitalier et frère d’un médecin, Roux équilibre sa première oeuvre entre fiction et documentaire. L’Ordre des médecins flirte avec la réalité et la radicalité du milieu médical, aussi dures soient-elles. Une immersion à couteaux tirés, où le travail (presque ingrat) de ces médecins est souvent porté à l’écran par l’évocation d’actes héroïques. Roux, lui, s’approprie le sujet avec cette fragilité qui symbolise la complexité d’une annonce de décès, ou une intervention chirurgicale. Sans fard, sans tomber dans le mélodrame. En prenant comme « patient » principal Simon (Jérémie Renier), un homme devenu presque insensible, intériorisant le moindre de ses ressentis, David Roux joue la carte de l’ultra réalisme dans une ambiance presque austère. Garder cette distance émotionnelle pèse sur Simon. Un penchant pour l’insomnie, ou des accès de colère fréquents. Tout se chamboule, tout se démultiplie quand sa mère (la toujours juste Marthe Keller) interfère dans son quotidien.

D’une certaine manière, L’Ordre des médecins est difficilement supportable. On subit le rythme très lent, le besoin de rester sensiblement réaliste et la rudesse du quotidien médical. Mais le portrait brossé par Roux tend à proposer une véritable immersion sincère. Loin des scènes grandiloquentes ou du besoin irrépressible de verser dans le larmoyant, L’Ordre des médecins se débarrasse de toutes strates de sensiblerie pour démouler un film à hauteur d’homme. La face cachée du milieu hospitalier se révèle en surface, avant d’embarquer dans les souterrains de l’intime. Jérémie Renier joue habilement de la facette très complexe de son personnage, très marqué, enfermé dans un étau émotionnel lourd à supporter. Un travail d’écriture précis, où nous retrouvons une certaine Julie Peyr, co-scénariste récurrente d’Arnaud Desplechin.

En bref !

Comme Thomas Lilti, réalisateur du film et de la série Hippocrate, David Roux extrait la douloureuse réalité d’un hôpital. L’intériorité de Jérémie Renier, la fragilité de Marthe Keller et cette réalisation très froide font de L’Ordre des médecins une oeuvre intéressante, même si sur la longueur, le film perd en relief.

14.05.2019

3

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 5 ans

“Les médecins se cachent pour pleurer”

Simon est un pneumologue respecté et sûr de lui. Mais le jour où sa propre mère est admise dans l’hôpital où il exerce, l’incertitude le gagne.

C’est un colosse aux pieds d’argile, Simon. Il a la connaissance, l’expérience et la stature du médecin révéré. De quoi donner des ordres et brutalement remettre en place tout externe, prompt à laisser de faux espoirs à une patiente en séjour longue durée. « Fais ce que tu veux, c’est toi qui sais », lui dit aussi son père. Mais face à la maladie d’un proche, le désordre se fait intérieur. L’armure se craquelle et laisse échapper l’enfant perdu. Agathe, son interne et amie, devient sa conscience. Et les labyrinthiques souterrains de l’hôpital, une boîte noire où l’on se cache pour se détendre, fumer et peut-être pleurer.

David Roux signe un film personnel et humain, où l’hôpital devient une affaire de famille. Sobriété de l’interprétation, pas de drame amplifié, d’effets surlignés ni cette énergie dévolue au genre. Alors pourquoi cette musique au synthétiseur, stridente et terriblement dépassée ?

6/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


Eric2017

il y a 5 ans

Ce film est d'une telle réalité que par moment j'ai pensé que c'était un documentaire. Renier est vraiment un médecin et Keller est vraiment mourante. C'est assez incroyable. C'est un film bouleversant. (G-03.02.19)


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