The Kindergarten Teacher Etats-Unis 2018 – 96min.
Critique du film
Le poème d’une passion malsaine
Remake d’un film de Nadav Lapid, récent vainqueur de l’Ours d’or à la dernière Berlinale, The Kindergarten Teacher traite d’une passion malsaine, celle d’une enseignante en maternelle subjuguée par le talent d’un de ses élèves.
Lisa se laisse porter par les flots poétiques, assise sur un ferry qui l'emmène vers sa destination : son cours de poésie. Enseignante à l’école maternelle, Lisa Spinelli est une mère de famille respectable. Deux enfants, un mari charmant, une maison, un job. Une vie normale. Mais le jour où son élève de 5 ans, Jimmy, se lève et parle d’une Anna, assez belle pour lui, l’enseignante décèle un don pour la poésie. Elle n’en loupe pas une goutte, recopie chacune des paroles prononcées. Elle les récite à son cours de poésie du soir, et son prof (Gael Garcia Bernal) en tombe des nues : une sensibilité, une justesse. Rapidement on pense que Lisa s’approprie le travail d’un enfant, mais c’est tout autre. Elle le protège, polit un diamant brut. Une passion dévorante pour un talent, qu’elle considère au même niveau qu’un Mozart dans sa branche. Le récit aborde habilement le rôle d’une femme (trop) passionnée. Déjà d’un point de vue familial, où même ses deux enfants sentent la déception de leur propre mère. Au contraire de Jimmy, qui apparaît comme le fils rêvé pour Lisa. Elle se déconnecte de sa propre réalité, adopte un comportement irréfléchi. Impossible de se raisonner, Lisa est happée, fascinée par chacun des poèmes.
Sara Colangelo, auteure du très bon Little Accidents, en adaptant L’institutrice (2014) de Nadav Lapid, démontre une réelle maîtrise, nous emmène dans une histoire troublante. Maggie Gyllenhaal absorbe ce sentiment de malaise, s’efface derrière cette professeure évoluant dans un processus artistique qu’elle rêvait, qu’elle vit à travers son jeune protégé. Et cette citation qui nous vient : l’esprit passionné est égoïste. Tellement focalisé sur ce qu’il désire, que la raison en devient un bruit de fond. The Kindergarten Teacher la reflète précisément. Un processus troublant, d’une réalité faussée et engluée dans une passion malsaine. Dans The Kindergarten Teacher, l’adulte est l’enfant, et l’enfant devient l’adulte. Les rôles sont inversés, le bon sens n’importe plus, juste l’art et rien que l’art.En bref !
Sensibilité et admiration emmènent Maggie Gyllenhaal dans les sables mouvants de l’aberration. Un poème séduisant d’égarement.
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