Il traditore Brésil, France, Allemagne, Italie 2019 – 151min.
Critique du film
L’étincelant Pierfrancesco Favino
La mafia italienne est fondée sur l’honneur et la famille. Quand Tommaso Buscetta décide de tout balancer, c’est un tremblement de terre qui frappe le crime organisé. Une performance hallucinante de Pierfrancesco Favino conjuguée à la maîtrise de Marco Bellocchio.
Au début des années 1980, la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne est à son apogée. Tommaso Buscetta (Pierfrancesco Favino), un membre influent de la Cosa Nostra, sentant le danger guetter, décide de prendre la poudre d’escampette. Direction le Brésil, alors qu’en Italie, à Palerme, les règlements de compte sont légion. Des centaines de meurtres sont perpétrés et les membres de la famille de Buscetta périssent sous les impacts de balles. Écroué par la police brésilienne, il est extradé vers Rome. S’ensuit une grande première dans le milieu judiciaire et mafieux: Buscetta décide de s’entretenir avec le juge Falcone, trahissant le serment fait à la Cosa Nostra.
Martin Scorsese est un fan du genre. On ne peut oublier Jack Nicholson en grand magnat de la mafia dans Les infiltrés. Impossible de mettre de côté Marlon Brando sous la houlette de Francis Ford Coppola. Avec Bellocchio, le grand manitou, le grand monsieur, c’est au tour de Pierfrancesco Favino, le Clay Regazzoni grincheux dans Rush de Ron Howard. Étincelant dans la peau de Buscetta; une performance digne des grands, digne de l’Olympe, ou plutôt des hauteurs brûlantes de l’Etna tant il est assis sur un magma en fusion après ses révélations sur la Cosa Nostra. Marco Bellocchio, tout en élégance, dessine du haut de ses 79 ans une fresque digne d’une cacophonie, où les voix s’élèvent et se cognent au tempérament stoïque de Buscetta.
La vengeance et les balles ont plu. Place aux barreaux pour la pègre et à la cour de justice; place à la déferlante d’insultes et de mensonges pour le «traître». Déçu de voir les valeurs presque ancestrales se perdre dans la violence, l’homme essuie les complaintes sans rechigner, aide la justice à comprendre les rouages de familles trempant dans le crime organisé. Il traditore est au milieu des cris haineux, d’un lyrisme grégaire, une ode à la culpabilité pour repentis ivres de mortalité et d’honneur. Retour entre passé et présent, utilisation de flash-backs à foison, pour enfin déborder vers la solitude, l’expatriation forcée vers les États-Unis. Buscetta a choisi de se retourner contre les siens, lunettes de soleil et costard bien coupé sur les épaules, pour embrasser la mélancolie et le tragique à jamais. L’envolée, aussi tempétueuse que longue à se décanter, se magnifie au moment des confrontations dans un tribunal chauffé à blanc, transformé en ballet d’insultes; point d’orgue d’une œuvre qui brosse le portrait d’un homme audacieux et courageux.
En bref!
Porté par la performance XXL de Pierfrancesco Favino, Il traditore est d’un réalisme saisissant. Et même si l’entame est parfois fébrile et prend un certain temps à reconstituer l’histoire, Marco Bellocchio tient son film d’une main de maître.
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