Heroic Losers Argentine, Espagne 2019 – 116min.

Critique du film

Sortie de crise?

Lino Cassinat
Critique du film: Lino Cassinat

Faire un film de braquage en 2021 n’a rien d’une évidence, tant le genre a été jalonné et se retrouve désormais parcouru de topoï semble-t-il indépassables, notamment depuis la trilogie Ocean’s Eleven de Steven Soderbergh. Usé et fatigué, devenu la caricature de lui-même au point de ne pouvoir livrer au mieux qu’un excellent épisode parodique de Rick et Morty, le grand n’importe quoi des Insaisissables ou le mollasson Logan Lucky (de Soderbergh, la boucle est bouclée). Quand soudain, voici Heroic Losers.

Dans une petite ville rurale argentine, à la veille d’une grosse crise économique en 2001, une ancienne vedette de football, Fermín (Ricardo Darín), tente de rouvrir la coopérative agricole qui a fait faillite 10 ans plus tôt. Il réunit une somme d’argent conséquente avec l’aide de ses proches, mais le banquier chez qui il dépose l’argent l’escroque: par une manipulation comptablo-psychologique et grâce aux lois économiques déclarées le lendemain (et dont il était prévenu), Fermín et ses amis sont spoliés. Qu’à cela ne tienne: si on ne veut pas leur rendre l’argent qui leur appartient, ils iront le chercher dans les coffres de la banque.

On l’avait déjà évoqué avec «Arrête Papa, tu me fais honte !», réactiver un genre est une chose, le revitaliser en est une autre, et il ne suffit pas d’intégrer, même talentueusement, ses codes et mimiques, pour créer une œuvre intéressante, et ceci semble particulièrement vrai pour le genre du film de braquage. Si Les Veuves de Steve McQueen proposait une excellente redéfinition noire et tragique pour ouvrir le champ des possibles et sortir le film de braquage de l’impasse post-moderne, pour ne pas dire la cellule capitonnée, dans laquelle il se trouve, Heroic Losers propose une seconde piste, celle d’un héroïsme populaire plus détendue et solaire... et pourtant, en substance, pas si éloigné de la proposition du cinéaste américain.

Bien que les deux films aient un ton propre et radicalement différents, ainsi que des thèmes éloignés, ils se rapprochent par leur volonté manifeste d’évacuer le cool et le luxe des casinos et des numéros de magie pour (ré)introduire à la place des personnages populaires et surtout, un indéniable implicite politique: ici, la survie de vulnérables gens de peu en pleine tempête économique face à une population bien mise à l’abri. Une opposition qui change de nature, et qui donc, change également la forme esthétique.

Exit donc les stars en smoking et les sourires Colgate, les montages cut sur fond de musique enlevée et les twists dans le twist: Heroic Losers met en avant des personnages maladroits, lourdauds, abîmés, mais terriblement amusants et attachants, et le fait en plus en prenant son sujet au sérieux et en proposant une variation incroyablement rafraîchissante au sein d’un genre moribond. Ajoutez à cela un casting immédiatement convaincant emmené par le charisme et les yeux bleus puissants de Ricardo Darín, et vous obtenez un excellent film, qui n’invente pas la poudre certes, mais apporte une aération coennienne et humaniste qui fait beaucoup de bien.

20.02.2024

3.5

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

Autres critiques de films

Gladiator II

Red One

Venom: The Last Dance

Emilia Pérez