Doctor Sleep Etats-Unis 2019 – 151min.

Critique du film

Danny et ses fantômes affamés

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

En 1980, Stanley Kubrick se réappropriait le livre de Stephen King pour en faire l’un des classiques du cinéma. L’hôtel Overlook et la performance de Jack Nicholson étaient devenus des légendes du septième art. Mike Flanagan reprend le flambeau en adaptant la suite des aventures de Danny Torrance, sous l’appellation de Doctor Sleep.

L’hôtel est barricadé, les années 80 sont loin derrière lui, mais quelque chose maintient Danny dans l’angoisse permanente. L’alcool et la drogue pour y remédier, le cocktail ne suffit plus pour masquer son héritage. C’est dans le New Hampshire, à Frazier, qu’il parvient à garder la tête hors de l’eau. Mais quelques années après, il découvre Abra, une jeune fille aux dons extrasensoriels. Il replonge dans son passé enfoui. Abra (Kyliegh Curran) et Danny (Ewan McGregor), logés à la même enseigne en matière de pouvoirs, vont croiser le chemin de Rose Claque (Rebecca Ferguson) et sa tribu. Ces êtres malfaisants se nourrissent des dons d’innocents pour s’offrir une vie éternelle. L’hôtel Overlook n’est pas encore totalement cadenassé.

Le pire est derrière, loin, enterré dans les montagnes du Colorado. Stephen King l’avait déterré en 2013 avec son roman Doctor Sleep. Mike Flanagan l’adapte fidèlement pour raviver les effluves obscures du passé. Les fantômes sous scellés, enfermés dans l’esprit du petit Danny devenu grand et barbu, le «visage» de l’hôtel Overlook reste ancré en lui. En 2011, Danny n’est que l’ombre de lui-même, alcoolique en puissance, à la ramasse. Son salut lui vient d’un homme: Billy Freeman (Cliff Curtis). Une première clé (existentielle) pour ne plus sombrer. Mais la force du Shining n’est jamais très loin, elle rôde. Abra (Kyliegh Curran) est ce lien entre passé et présent, ce point de bascule. Entre cauchemar éveillé ou réminiscences de passé, la frontière est ténue. À l’image du petit Danny «kubrickien» sillonnant les couloirs avec son tricycle, l’histoire circule entre les protagonistes pour nous emprisonner dans une atmosphère suffocante.

Mike Flanagan, auteur récemment de l’excellente série The Haunting of Hill House, s’inspire de l’œuvre de Stanley Kubrick, lui emboîte le pas sans crainte. Cinéma psychologique, rien que par sa musique qui fonctionne en pulsations, tel un cœur qui bat sous l’effet de la terreur graduelle, Doctor Sleep ouvre la boîte de Pandore pour laisser échapper nombre de fantômes affamés et douleurs d’antan. C’est bien la souffrance qui s’exprime, nourriture fétiche de l’effrayante Rose Claque, campée par la sublime et magnétique Rebecca Ferguson. Véritable poison pour Danny, mais force indéniable du métrage, Ferguson hante le film de son regard, de son voyage intérieur - une sublime séquence vient étayer nos propos, où Rose flotte à la surface du globe - pour extraire les (cris) douleurs d’innocents. À travers elle, une brise exhale un mal pervers, sanglant, inhumain.

«La douleur que tu éprouves n’est qu’un rêve» dégoise Rose Claque. Doctor Sleep voyage à travers les vapeurs du mal, supplice psychologique et physique quand un petit joueur de baseball (Jacob Tremblay) se fait happer par la tribu maléfique pour extraire la sève tant convoitée: la douleur. Surnommés le «Noeud Vrai», ses membres maléfiques traversent les époques et les événements. On y retrouve d’ailleurs Zahn McClarnon (Westworld), dans la peau de Crow Daddy, bras droit de Rose Claque. Un casting dans son entièreté de bonne facture, incarné par la nouvelle venue Kyliegh Curran - d’une étonnante maîtrise - et Ewan McGregor dans un rôle qui lui sied. Et si tout le monde voyait une brasse coulée à l’horizon, Mike Flanagan réussit à reprendre le flambeau de manière (très) convaincante, même si l’intégration de certaines séquences du Shining de 1980 sont maladroites et viennent freiner l’excellent rythme du récit dans son dernier acte. Flanagan conserve l’âme du Shining avec un certain brio.

En bref!

Projet ô combien tortueux et compliqué, que Mike Flanagan amorce avec élégance et maîtrise. Il profite d’une iconique Rebecca Ferguson pour instaurer un climat suffocant et vertigineux, où les ténèbres pulsent. Le cadenas est crocheté pour laisser les vapeurs du mal vous agripper pendant 2h30.

30.10.2019

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 3 ans

“Fais dodo”

Danny, l’enfant lumière de Jack Torrance, a mal grandi. Drogué alcoolique abandonnant celles qui partagent son lit, il demeure hanté par les fantômes de l’hôtel Overlook. Cherchant à fuir son passé, c’est dans une petite ville qu’il trouve refuge. Engagé dans un hospice, il reprend pied. En accompagnant les malades en fin de vie, les rassurant sur l’au-delà, il devient Docteur Sleep. Alors que des êtres qui rêvent d’immortalité enlèvent des enfants pour gober leur âme, Abra, fillette aux pouvoirs éclatants, rentre en contact avec Danny.

« On est tous des mourants, le monde est un soin palliatif à ciel ouvert. » Une noirceur affichée qui ne devrait en rien rassurer les vivants. Si la confrontation avec le film de Kubrick peut faire illusion le temps d’une nuit bien tardive à l’hôtel, la comparaison écrase cette suite sans saveur. On a frémi face à la hache aiguisée de Jack Nicholson. Tremblé en arpentant les couloirs sombres de Hill House du même Flanagan. Mais les vampires grunges d’aujourd’hui se nomment Rose Chapeau, Corbeau, la Vipère ou Papy et se déplacent en mobil-home. Face à la vieille peau de la baignoire, ils font bien pâle figure. Dans ce Shining adulescent aux relents nostalgiques, l’ennui a remplacé la peur. Vaincu par d’interminables longueurs, l’on s’endort sans craindre les cauchemars.

(5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 ans


Eric2017

il y a 5 ans

Il ya très longtemps que je n'ai pas vu SHINING de Kubrick et en regardant Dr SLEEP je dois dire que je retrouve parfaitement l'ambiance, l'atmosphère. Je n'ai lu aucun livre de S. King, mais j'aime les adaptations au ciné. Et ce Dr Sleep est un très très bon film. C'est une belle suite dont l'intrigue est captivante durant les 150 minutes. (F-02.11.19)Voir plus


vincenzobino

il y a 5 ans

3.5: Oh Danny, si tu savais
1980: tandis que Danny et sa mère parvenaient à s’enfuir de l’hôtel Overlock, une organisation satanique, le Noeud vrai, possédée également par le Don, kidnappe plusieurs enfants et les tuent ou les endoctrinent. 2011: Sa leader, Rose, est cependant hantée par Abra, une adolescente noire, qui parvient à entrer en contact avec Danny devenu depuis alcoolique et à repérer la cachette de la tribu. Il est temps pour le quadragénaire de finir le travail commencé durant son enfance.
La voici donc cette suite attendue du Shining. Pour l’enfant d’alors devenu adulte que j’étais, il y avait une grande impatience, particulièrement en tant que fan de King ayant lu le livre et adulé le film de Kubrick. Le cinéphile est ravi, le lecteur un peu moins.
Débuter par la naissance du Noeud vrai est déjà un premier changement pour le lecteur : nous retrouvons néanmoins très vite Danny quadra et son état d’alors est extrêmement fidèle au livre, de même que tous les éléments autour de Abra et leur rencontre reste fidèle sur les trois premiers actes de cette tétralogie malgré elle avec un excellent duo d’interprètes et des tensions fidèles au livre.
Pourquoi donc suis-je quelque peu sceptique? A cause du dernier quart synonyme de retrouvailles hivernales : car Flanagan ayant tout comme Kubrick totalement supervisé l’œuvre, choisit de rendre hommage au réalisateur, choix tout à fait correct, mais commet à mon sens le parjure de modifier l’issue et rend cet ultime acte quelque peu bâclé avec notamment une issue notable invraisemblable pour l’un des membres du duo.
Néanmoins cette ombre au tableau n’entache pas trop l’atmosphère et si vous ne connaissez pas l’histoire, cela se laisse tout à fait voir...Voir plus


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