The Assistant Etats-Unis 2019 – 87min.

Critique du film

La loi du silence assourdissant

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Les arcanes des grands studios de divertissement sont des sables mouvants. Kitty Green nous enfonce dans une histoire sèche et déstabilisante, dans un climat alourdi par la culpabilité.

Pour combler ce désir ardent de devenir productrice, Jane (Julia Garner) doit commencer par le bas de l’échelle: assistante d’un gros poisson du divertissement. À force de remplir la photocopieuse et commander les déjeuners de tous, la jeune femme bardée de diplômes découvre l’abus de pouvoir. Mais le plus étrange reste le silence qui prédomine dans la société. Elle-même pratique cette langue de bois, sans avoir conscience des conséquences qui en découlent… jusqu’à un certain stade.

Son visage presque impassible n’en pense pas moins. Elle essuie les remontrances incessantes de son patron, étouffant quelques larmes naissantes au fil des mails et appels virulents. Une grande aile d’albatros qui lui fouette la joue instantanément. Se plier aux règles. Vivre avec la peur de perdre son emploi et surtout ses rêves de productrice. Jane reste stoïque malgré le climat pesant. The Assistant est à l’image de la performance clinique de Julia Garner: précis et déstabilisant. La narration compacte, sa mise en scène sèche, proche d’une veine documentaire, le plongeon troublant que Green propose nous baigne dans l’inconfort. Une journée aux apparences banales et cerner dans quel cercle vicieux on trempe. Et cette question qui nous taraude: ouvrir les yeux avec un temps de retard, cela fait de nous un complice?

Green pense son film de manière astucieuse, laissant le spectre du nabab abuseur gravitant de manière fantomatique. Un film sans fard, une atmosphère désagréable, la structure est submergée d’une culpabilité toujours plus envahissante. Sombre et puissant, d’une brutalité sourde quand Jane décide de prendre son courage à deux mains et monte aux barricades, quitte à péricliter. Décider de parler à voix haute alors que tout le monde passe son chemin en silence. L’acmé du récit déballe une scène pleine d’écoeurement: «savez-vous que j’ai presque 400 dossiers pour votre place?» lui assène un responsable des ressources humaines (Matthew Macfayden dans une brève mais impressionnante apparition), tout en lui offrant des mouchoirs. D’une radicalité, d’une violence. La scène se termine par un «n’ayez crainte, vous n’êtes pas son genre.» C’est le crochet de trop.

Tout le monde le sait, tout le monde se tait sans sourciller. Cette pression coercitive évoque un processus latent, mais incroyablement insidieux. Tout y est pour enchaîner Jane dans une spirale infernale: des parents qui lui expliquent leur fierté de la voir à un si bon poste ou des collègues qui l’aident à écrire le mail adéquat pour rester dans les bons papiers. Une succession de facteurs qui ne font qu’écraser un peu plus les frêles épaules de Jane. Alors pour continuer à gravir les échelons, sur ce fil si fin et si proche de céder, c’est le silence qui l’emportera.

18.11.2020

4.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“#MeToo”

Engagée depuis peu dans une société de production, Jane soupçonne fortement son patron d’être trop proche des jeunes actrices pleines d’espoir qu’il rencontre. Doit-elle fermer les yeux et se taire ?

Le travail de Jane n’a rien d’une sinécure. Première arrivée, dernière partie. Habitant la banlieue modeste de la grande ville, elle découvre et quitte les hauts immeubles de Manhattan figés dans la nuit hivernale. Sa journée paraît interminable. Répondre au téléphone, commander les repas, préparer le café, imprimer les rapports, réserver les voitures et les hôtels, certes. Ramasser les miettes, les seringues de Monsieur, affronter les questions désespérées de Madame et nettoyer les traces laissées sur le sofa, ce n’était pas inscrit au contrat. Sans « bonjour » ni « s’il vous plaît », l’assistante appliquée, transparente et corvéable à merci, s’accroche à son rêve de carrière. Quitte à devenir complice involontaire ?

Le monde décrit par une mise en scène quasi clinique glace le sang et rappelle sans détours celui mis en place en son temps par Harvey Weinstein. Le film choisit judicieusement de ne jamais montrer ni nommer son prédateur dont les passages dans le couloir, les éclats de voix derrière la porte, les coups de téléphone enragés ou les messages ambigus oppressent et terrifient tous ceux qui l’entourent. Dans ces bureaux frigides et quelque peu datés, il ne reste guère de place pour l’humain. Au point de s’entendre dire : « N’ayez crainte, vous n’êtes pas son genre » ou « Elles ont plus à y gagner que lui ». Au milieu des loups, on souhaite vite que la blonde agnelle montre ses crocs et dévore ce système carnassier. Mais hélas, la réalité n’est pas le cinéma.

7.5/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


Sequoia

il y a 4 ans

Une petite secrétaire ennuyeuse, qui fait un boulot ingrat dans une boîte de production. Elle soupçonne le grand boss de profiter des jeunes actrices. Cela la perturbe mais l’indifférence des autres, leur cynisme et la loi du silence lui font comprendre que c’est comme ça et qu’il faut accepter si on veut faire son chemin.

Kitty Green (la réalisatrice) semble avoir découvert l’eau chaude et elle tient à partager avec nous sa grande découverte, coûte que coûte (pour nous).

C’est sûrement l’un des films les plus ennuyeux que j’ai jamais vus. Sans intérêt pour quelque public que ce soit (pour peu qu’on soit honnête).Voir plus


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