The Green Knight Irlande, Etats-Unis 2020 – 126min.

Critique du film

La légende arthurienne par le maestro David Lowery

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Une quête intérieure pour un voyage exaltant. 


Retardé durant une bonne année par les studios A24, le nouveau film du maestro David Lowery débarque dans quelques salles en Suisse. « The Green Knight » est une percée chevaleresque exaltante, portée admirablement par l’acteur Dev Patel.

Adapté du roman de Sire Gauvain et le Chevalier vert, « The Green Knight » est l’histoire de Sire Gauvain (Dev Patel), chevalier de la Table Ronde et neveu du Roi Arthur. Il accepte un défi lancé par un mystérieux Chevalier vert: Gauvain doit le décapiter. Il accepte et s’exécute. Mais le colosse surnaturel repart sa tête sous le bras en lui promettant qu’ils devront se retrouver, dans un an. Le « jeu » peut commencer.

Qu’on aime cette audace, qu’on apprécie cette puissance poétique, David Lowery, peut-être l’un des cinéastes les plus talentueux à l’heure actuelle, continue son travail de virtuose amorcé avec le délicat Les Amants du Texas. La simple évocation de son nom est gage de qualité. Et The Green Knight n’échappe pas à la règle, tant la fresque est épique, tant la plastique est délicieuse. Le natif de Milwaukee rappelle qu’il affectionne ce travail sur l’errance des êtres voguant vers une fatalité inévitable - l’air mortifère et tragique. Les plus réticents comprendront rapidement que ce n’est pas un film médiéval moyen, mais bien un virage empreint de vulnérabilité au détriment des combats d’épée et des discours de guerrier. L’âme du combattant anéantie par le doute, Sire Gauvain se laisse aspirer par le défi et ses pensées furieuses s’en retrouvent mystifiées par l’obscurité de l’âme.

Déjà portée à l’écran par Stephen Weeks en 1984 avec « Sword of Valiant », cette nouvelle adaptation millésime 2021 est vertigineuse. Peut-on parler de l’un des films de l’année? Même si un brin trop hâtif, à coup sûr la bombe de A24 trônera tout en haut des tops annuels. « The Green Knight » est une quête, un monologue intérieur doté d’une veine contemplative pour narrer les exploits de Sire Gauvain. Cette même quête est faite de sens et de non-sens pour son protagoniste - ce défi en vaut-il la chandelle ? - et rappelant les mêmes obsessions poétiques d’un John Keats. À cette réflexion philosophico-poétique se couple une élégance du cadre et une justesse dans le récit. La photographie aussi, brumeuse et incertaine, prolonge l’instinct mystérieux de l’œuvre. Lowery s’évertue à constituer un souffle, semblable à celui de « A Ghost Story », enchaînant son personnage principal à une profonde introspection. Les plus philosophes apprécieront. Nullement besoin de combats, « The Green Knight » s’aventure sur les rives psychologiques, célébrant des torrents de palpitations, fêtant le sensible et la vibration d’un tourment psychique.

Revêtant la même finesse que le manuscrit, Lowery hisse la légende arthurienne dans son plus bel écrin grâce à une partition onirique, solidement incarnée par un Dev Patel - la cible quasi exclusive du récit - qui accroche là l’une de ses plus belles prestations. Après sa performance remarquée dans « The Personal History of David Copperfield », Patel apporte une nouvelle pierre à son édifice, à l’instar d’un David Lowery qui lui, forge de plus en plus sa légende de cinéaste unique.

20.02.2024

4.5

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