Halloween Kills Royaume-Uni, Etats-Unis 2020 – 106min.

Critique du film

Quand le peuple prend la fourche !

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Revenue d’entre les morts, la célèbre franchise initiée par John Carpenter est reprise en 2018 par le cinéaste américain David Gordon Green. Prévue en trois parties, toujours à Haddonfield, mais 40 ans plus tard, «Halloween Kills» en compose le deuxième chapitre et reprend le même soir, exactement là où son prédécesseur s’était clôturé.

Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) et sa progéniture pensaient avoir bel et bien mis fin à la terrible malédiction d’Halloween en enterrant le croquemitaine derrière les flammes d’un gigantesque brasier. Michael Myers aurait dû périr ce soir-là. Mais rien n’arrête plus le monstre masqué, et c’est désormais une ville entière qui se retourne contre lui. Quand le système judiciaire faillit à sa mission protectrice, le peuple prend la fourche !

Souvenez-vous, en ce soir d’Halloween 2018, le bus de l’hôpital psychiatrique se plante dans le décor d’un Haddonfield qui festoie gaiement en tenues de sorcière. À son bord, Michael Myers, interné depuis 40 ans, prend la poudre d’escampette avec un autre détenu. Inarrêtable, le tueur continue de marcher d’un pas lent, retrouve son masque en gomme (à l’effigie de William Shatner), et les premières têtes ne tardent pas à tomber. Voilà quatre décennies que Jamie Lee Curtis affûtait les balles de sa vengeance, délaissant sa fille Karen (Judy Greer), sa petite-fille Allyson (Andi Matichak) et le petit bonheur familial si cher aux provinces américaines. En 2018, la franchise restait fidèle à son héritage, et devenait un drame familial et transgénérationnel. Un sacré tour de force de la part du cinéaste.

Ainsi David Gordon Green prouvait sa capacité à filmer Myers et à saisir l’essence de l’horreur. Ici, Halloween Kills s’ouvre sur un générique aussi terrifiant qu’attentif à l’esthétique de John Carpenter (l’artiste s’accompagnant une nouvelle fois de son fils Cody et de Daniel Davies pour revisiter la partition originelle). Les citrouilles flambent, toujours, quelques flashbacks dévoilent et replacent, avec une attention bienvenue, l’histoire dans son ensemble complexe. Et bientôt plusieurs narrations se croisent : à la barbe de Cerbère, Myers, qui aurait dû périr à la fin du film de 2018, sort des enfers avec un goût non dissimulé pour le « torture-porn », Laurie Strode s’égosille « Let It burns !!!!! » en direction de l’hôpital, et Tommy Doyle (Anthony Michael Hall), sur fond de commémoration des victimes dans un pub, pose les premières pierres de la chasse à l’homme à venir.

Clin d’œil aux deux premiers «Halloween», «Halloween Kills» reprend là où nous nous étions arrêtés et dévoile ce que nul n’avait vu venir : une inversion de la polarité de l’horreur. En effet, Haddonfield se retourne contre son Gévaudan ; au diable la justice, il faut agir et vite, alors que la bête rôde. Et entre chasse à la sorcière, d’un genre « La Belle et la Bête », et surveillance de voisinage un peu craignos à la « The Watch », Michael Myers, qui massacre et essuie les balles des habitants, enfile sa toge et philosophe en latin : « Homo homini lupus est » (« l'homme est un loup pour l'homme ») !

Car oui, le cinéma d’horreur s’est toujours fait le messager poétique et brutal des drames et des douleurs profondes. George A. Romero posait la question de l’adversité et du racisme au travers de ses truculents zombies. Dan O'Bannon, connu pour avoir écrit la saga «Alien», souffrait de la maladie de Crohn et schématisait, au travers de cet alien qui perce la cage thoracique de son hôte, son calvaire et ses douleurs abdominales ; lui qui s’est éteint des suites de cette maladie en 2009. « Fear leads to anger. Anger leads to hate. Hate leads to suffering » , ainsi parlait Yoda et David Gordon Green porte une métaphore du trauma collectif sur grand écran. Bien plus féroce que l’effusion de sang manifeste à l’écran, il y a cette peur qui désole Haddonfield depuis 40 ans. Au seuil d’une bavure, la foule est devenue aussi terrifiante que la cible à abattre et toute la séquence à l’hôpital offre une catharsis effroyable au propos du film.

«Halloween Kills» est cruel, la caméra se terre dans les foyers de l’ignominie Myers et de cette foule imprenable. Faite de jump scares endiablés, la réalisation se pose à l’orée du gore drolatique. Pas sûr qu’elle ne laisse un souvenir impérissable, ou peut-être cette scène de lynchage public, mais pour vous hanter la nuit : le spectre de la National Rifle Association, évidemment, et puis l’insondable sujet des justices assassines autoproclamées. L’increvable Myers se nourrit du mal, faudrait-il alors qu’il parle à la barre d’un procès équitable ? Entre-temps, Jamie Lee Curtis passe doucement le relais à Judy Greer et Andi Matichak de plus en plus convaincantes, et la saga réussit son impensable transition. Aussi épouvantable que parfaitement intelligent, « Halloween Kills » laissera du monde sur le carreau.

19.10.2021

4

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