Enquête sur un scandale d'État France 2021 – 123min.

Critique du film

Dans les tréfonds d’un sombre trafic

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

C’est une histoire complexe à laquelle s’attaque Thierry de Peretti. Librement inspiré du roman publié en 2017, « L’Infiltré - De la traque du Chapo Guzman au scandale français des stups » coécrit par Hubert Avoine, un infiltré, et Emmanuel Fansten, journaliste au journal Libération, le nouveau métrage du réalisateur français nous plonge dans les arcanes de la lutte anti-drogue.

En plein Paris et en pleine journée, c’est une saisie hors normes qui a lieu sous les yeux des badauds. 7 tonnes de résine de cannabis sont retrouvées dans une fourgonnette. Si tout le monde se félicite de cette grosse prise, la procureure, elle, voit rouge lorsqu'elle apprend que la drogue était en réalité surveillée par l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants. Selon les dires de Jacques Billard (Vincent Lindon), chef de l’Office, la drogue, destinée à un narco-trafiquant d’envergure collaborant avec l’Office en tant qu’indicateur, n’est qu’une des diverses tactiques mises en place afin de démanteler de larges réseaux de trafiquants. En bref, une mise en scène inscrite dans une stratégie plus vaste dans la lutte anti-drogue.

L’histoire aurait pu s’arrêter là si Hubert Antoine (Roshdy Zem) avait décidé de rester silencieux. Infiltré à Marbella pour le compte de l’Office, il dément toute volonté de Jacques Billard de vouloir mettre à mal les puissants réseaux de narco-trafiquants grâce à cette stratégie. Bien au contraire, ce dernier se servirait de cette astuce bien huilée pour faire entrer des dizaines de tonnes de drogue dans le pays pour les besoins d’un trafic d’État. Alerté à ce sujet, un journaliste de Libération prénommé Stéphane Vilner (Pio Marmaï) se lance dans une enquête explorant les tréfonds d’un trafic sombre pour démêler le vrai du faux, guidé par les aveux d’Hubert Antoine.

Après Une vie violente en 2017 qui se déroulait dans sa Corse natale, Thierry de Peretti se plonge dans une affaire complexe entre Paris, Marseille et l’Andalousie, mêlant intérêt étatique et profit personnel, gros sous et trafic à large échelle. « Enquête sur un scandale d’État », dont de Peretti cosigne le scénario avec Jeanne Aptekman, s’inspire de l’affaire François Thierry, alors commissaire de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants. Le métrage, présenté en compétition au Festival de San Sebastián en 2021, est librement inspiré de ce dossier, mais comporte pourtant énormément de similitudes avec l’affaire originale. À commencer par les trois principaux protagonistes : un boss de brigade qui ne rechigne pas à parler au micro, un journaliste assidu, et un infiltré déchu. Respectivement incarné par Lindon, Marmaï et Zem, le trio avance en terrain miné où personne n’est à l’abri, à commencer par ceux qui osent parler.

Si d’un côté on se demande si l’objectif de ce trafic est réellement de faire tomber de gros réseaux, on s’interroge sur la véracité des révélations du personnage d’Antoine. Thierry de Perreti évite le piège du parti pris, et joue habilement avec la confusion en laissant planer le doute et certaines interrogations comme un voile gris ne s’évaporant jamais. À tel point qu’il est difficile de discerner le vrai du faux, et le bien du mal. Qui ment et qui dit vrai ? Est-on vraiment face à un trafic étatique organisé, ou l’indic n’est-il qu’un fabulateur mythomane ? Au milieu de toutes ces questions, l’histoire entraîne les spectateurs dans les dessous peu glorieux du milieu de la drogue, mais également dans la rédaction d’un journal où se jouent des enjeux cruciaux. Chasse aux scoops et quête de vérité, l’histoire dépeint de façon très réaliste la tâche des journalistes d’investigation qui paient souvent un lourd tribut pour faire la lumière sur des affaires troubles touchant les plus hautes sphères de l’État.

02.02.2022

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 2 ans

“Trafics”

Alors que policiers et politiques parisiens s’énorgueillissent d’avoir mis la main sur plusieurs tonnes de cannabis, Hubert Antoine, ancien agent infiltré, contacte le journaliste Stéphane Vilner. Ce haut fait ne serait qu’une mascarade orchestrée par Jacques Billard, chef de la brigade des stupéfiants.

Si cette histoire est basée sur des faits réels, tout le reste demeure fictionnel selon les premiers mots affichés. Le scandale serait dû à un trafic organisé par l’Etat lui-même pour faire croire au grand public qu’il mène une lutte antidrogue efficace. Grâce à l’investissement des comédiens, plus vrais que nature, l’ensemble gagne en crédibilité. Roschdy Zem, droit dans les bottes de l’indic amer, impose sa force tranquille et ses regards inquiétants. Au milieu de la véritable rédaction de Libération, Pio Marmaï ne fait pas tache. Quant à Vincent Lindon, plus discret, il s’illustre au service du pouvoir attaqué. Trois personnages ambigus en quête de lumière.

On attend et espère une confrontation explosive entre ces protagonistes troubles, mais leurs échanges sont essentiellement verbaux et c’est sur une poignée de mains que l’affaire s’achèvera. Les longs plans-séquences dialogués s’enchaînent. Dans l’esprit du reportage, le réalisateur choisit le format carré pour les cadrer. Le titre plutôt banal fait d’ailleurs penser à une émission d’investigation d’Elise Lucet. A terme, on se noie quelque peu dans ce flot de paroles parfois confus et étouffe dans la quadrature resserrée de l’image. En manque d’action et de spectaculaire, le thriller politique haletant que l’on envisageait suscite, malgré ses atouts, de la frustration.

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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