Mon pays imaginaire Chili, France 2022 – 83min.
Critique du film
Le pouvoir du peuple
2019, une année marquante pour le Chili, période de soulèvements sociaux majeurs, que le réalisateur Patricio Guzmán transpose soigneusement dans son nouveau long-métrage, Mon pays imaginaire.
Au Chili, alors que les services publics augmentent leur tarif, la nation s’embrase. Car pour la population empêtrée dans la complexité d’un système socio-économique défaillant, ce n’est qu’un exemple de plus du dédain de la classe politique. Comme un seul corps, les foules se soulèvent et remettent en question la constitution d’une patrie encore hantée par le souvenir de la dictature pinochetiste.
Originaire de Santiago, Patricio Guzmán pointe régulièrement sa caméra sur les contrées qui l’ont vu naître. À travers ses nombreux long-métrages documentaires, il décrit leurs histoires, leurs troubles, leurs charmes. Et alors que Le Bouton de nacre se voit couronné d’un Ours d’argent à la Berlinale de 2015, La Cordillère des songes repart lauréat de l’Œil d’or de la 72e édition du Festival de Cannes. Un palmarès complété à la perfection par ce nouveau projet du maître.
D’une voix calme et posé, le réalisateur se fait narrateur des événements et présente un soulèvement si virulent que l'état d'urgence est déclaré. Aux pierres lancées par une population révoltée, l'armée répond par des balles de plomb et des bombes lacrymogènes. Une vision chaotique, proche de la guerre civile et croquée dans son ensemble par d’impressionnants plans aériens qui embrassent un peuple chilien se déversant dans les rues en nombre titanesque. Car, alliés sous le vent de la révolution, ce sont parfois plus d'un million de manifestants qui foulent le pavé.
Les extraits de ces moments historiques s’entrecoupent d’entretiens de participantes, de photographes, de sociologues. Des visages porteurs de valeurs féministes, figures de proue d’un mouvement en opposition au sexisme traditionnel. Des femmes, si différentes, mais si semblables, témoins de la violence d’une politique terrifiée devant le pouvoir de l’unification populaire, qui offrent une vision globale de la situation. Régulièrement, le parallèle se fait avec les fantômes du passé totalitariste, d’où la constitution même du pays trouvait, jusqu’alors, encore ses origines.
Car Patricio Guzmán se souvient. Il se souvient de l’élection du président Salvador Allende et du vent d’espoir qui s’empara du pays, avant d’être avorté par le coup d’État du général Pinochet. Pourtant, le réalisateur choisit d’espérer de nouveau et nous offre un documentaire intéressant et passionné, pour se tourner alors vers l’avenir.
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