Beyond Tradition - Le pouvoir du chant naturel Georgia, Norvège, Suisse 2023 – 100min.
Critique du film
Chant traditionnel, vie moderne
L’ethnomusicologue Lea Hagmann et la cinéaste Rahel von Gunten réalisent un documentaire dont la mise en forme peine à magnifier le riche contenu.
Meinrad habite dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures, Marja en Norvège, Ninuca en Géorgie. Tous·te·s pratiquent assidument des formes de chant issues de leur culture traditionnelle. Par le biais d’interviews, mais aussi en envoyant Meinrad visiter le pays de Ninuca puis Marja, «Beyond Tradition» nous dit le quotidien d’individus fortement attachés à des traditions, étant cependant loin de refuser la modernité.
Meinrad mélange le rap et le Jodel ; Marja ajoute tuba et batterie à ses compositions de Joik ; la chorale de Ninuca réinterprète des morceaux populaires contemporains à la sauce des chants traditionnels géorgiens. Dans ces trois formes de réappropriation que le film nous invite à découvrir se trouve son enjeu principal : la tension entre tradition et modernité.
Car une fois passé le discours sur les vertus fédératrices et méditatives de ces formes musicales ancestrales, c’est sur la manière dont nos sujets les adaptent au contexte contemporain que l’on s’attardera. Le film déconstruit alors avec brio l’idée préconçue selon laquelle les individus attachés à une tradition seraient forcément passéistes : ces dernier·e·s ne la conçoivent pas comme la seule vérité, mais comme une riche source d’information qu’il faut pouvoir s’approprier, faire sienne. Pour iels, le monde globalisé contemporain n’est alors pas un poison, mais une source d’inspiration et une chance, celle de pouvoir créer d’inédites chimères musicales, où les traditions se mêlent, où les cultures se mélangent.
Les réalisatrices mettent également un point d’honneur sur le fait de nous présenter plus généralement les cultures dans lesquelles s’inscrivent ces traditions musicales. Bien que cette intention soit pertinente, c’est en donnant une place trop importante à ces instants que le film nous perd. Et ce surtout car, pour rendre compte des paysages de ces nations, l’on nous sert pléthore de plans de nature filmés au drone, reliés par de maladroits fondus enchaînés : des séquences esthétiquement impersonnelles, à la limite de la carte postale vidéo, devenant rapidement redondantes. Ces dernières cristallisent également la regrettée tendance de ce long-métrage à s’inscrire esthétiquement dans la lignée de reportages télévisuel : une forme trop programmatique et « traditionnelle » pour rendre compte de la richesse du contenu ici proposé.
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement