L’histoire de Souleymane France 2024 – 92min.

Critique du film

La tête brisée dans le guidon

Critique du film: Colin Schwab

Le nouveau film de Boris Lojkine propose une immersion éprouvante, mais importante dans un milieu en mal de représentation.

Jeune migrant Guinéen, Souleymane travaille à Paris pour une chaîne de livraison de nourriture à domicile. Des petites heures à celles tardives, il sillonne les rues de la ville à vélo à un rythme effréné, sans jamais s’arrêter. Ce tout en ne récupérant qu’une partie du maigre salaire qu’il est censé toucher, car il ne peut travailler légalement. A son labeur éreintant, il devra alors combiner la charge qu’obtenir le droit à l’asile (et donc au travail) implique : une ambition qui remplira encore plus son espace mental, tout en vidant son porte-monnaie.

L’histoire de Souleymane a l’audace de raconter un type de quotidien qui n’a, pour l’heure, fait l’objet que de très peu de représentations dans le cinéma de fiction. Mais aussi, il le fait à la hauteur d’une seule et unique personne, qu’on ne quitte jamais. Toujours avec Souleymane, nous sommes aussi systématiquement proches de son corps : les caméras épaules qui rythment le film ne s’en éloignant quasiment jamais. On se rend alors rapidement compte qu’être proche de lui, c’est immanquablement être exposé·e à une forme de violence. C’est être secoué·e, malmené·e.

Cette proximité visuelle avec Souleymane nous donne aussi à découvrir un espace connu de tou·te·s d’une manière nouvelle. Même s’il se déroule majoritairement dans les arrondissements centraux de la capitale française – y’a-t-il un endroit plus représenté au cinéma ? – le long-métrage dépeint un Paris méconnaissable : tourbillon de trafic incessant, de rues submergées de mouvement. La personne qu’on suit ne peut s’arrêter, souffler, prendre le temps d’observer. Alors, jamais de plans fixes ou larges qui permettraient de donner à cette cité le calme harmonieux et esthétique qu’on lui confère généralement. Pour Souleymane comme pour nous, Paris n’a pas le visage imaginé.

Une heure et demie durant, nous sommes pris·e·s dans une course permanente dont la ligne d’arrivée n’existe pas, où le montage reproduit le rythme effréné d’un torrent inarrêtable. Le film coule, et nous aussi : on ne peut s’accrocher qu’à de très rares sursauts d’humanité pour, parfois, sortir la tête de l’eau. Ces courts et inusuels instants de partage sont néanmoins très importants pour le ton du film. Ils démontrent le fait que Boris Lojkine ose une représentation crue et froide d’une condition sociale très précaire, sans pour autant se laisser aller au pathos ou autre misérabilisme.

10.10.2024

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 11 jours

“48 heures chrono”

Souleymane, Guinéen sans-papiers à Paris, effectue des livraisons pour tenter de vivre. Dans deux jours, sa demande d’asile sera examinée lors d’un entretien décisif.

Il ne faut guère patienter pour ressentir la tension ambiante de la situation. Filant le garçon au vélo, la caméra virevolte entre bus et voitures dans le trafic chaotique de la capitale. De jour, comme de nuit, chaque minute compte. Un accident, une commande pas encore prête, six étages à monter, une cliente mécontente ou une interpellation policière sont autant de pièges aptes à enrailler la machine. En jeu également, le dernier car qui permettra de dormir au chaud dans un lieu d’accueil, réservé dès le réveil, tel un rituel. Tout se calcule et tout se paie. Et l’on sait bien que comme chez Ken Loach l’engrenage broiera le pauvre homme et le spectateur empathique. Seuls quelques élans solidaires entre exclus rassurent un peu. Une fois entré dans le bureau de l’Ofpra, l’action s’arrête. Mais malgré toute l’humanité de la fonctionnaire à l’écoute, la tension reste vive.

L’histoire de Souleymane est multiple. C’est ce texte décrivant les raisons politiques de sa fuite. Ecrit par un répétiteur très informé, il est à réciter avec conviction lors de l’examen d’entrée. C’est la vérité du personnage qui a souhaité tenter sa chance en Europe pour aider une mère affaiblie, restée au pays. C’est enfin celle d’Abou Sangare, acteur non-professionnel au regard inquiet, repéré dans la rue lors d’un casting sauvage, avant d’être honoré au festival de Cannes, dans une section parallèle. Dans sa réalité, son droit d’asile lui a été refusé. Qu’en sera-t-il pour celui qu’il incarne à fleur de peau ?

(7/10)
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