The Substance France, Royaume-Uni, Etats-Unis 2024 – 141min.
Critique du film
Horreur corporelle en profondeur
Grand spécialiste du body horror, David Cronenberg a plutôt déçu le public cannois avec «Les Linceuls». Mais Coralie Fargeat a consolé les fans du genre avec son nouveau film. Gore et choquant, «The Substance» parvient à aborder avec brio des thèmes actuels de notre société.
Grâce à son émission de sport télévisée, Elizabeth (Demi Moore) a réussi à se faire un nom dans le show-business, au point d’avoir sa propre étoile sur le célèbre Hollywood Walk of Fame. Mais le temps passe et la beauté est éphémère. Maintenant plus âgée, elle est rejetée par le système qui l’acclamait autrefois. Mais alors qu’on lui propose de s’injecter une mystérieuse substance, elle pourrait bien retrouver le chemin des projecteurs. D’abord hésitante, elle accepte et bientôt, il n’y a plus d’échappatoire possible.
À la tombée du jour, les soirées cannoises se parent d’une aura horrifique. En effet, c’est au creux de ces heures tardives que sont généralement projetés les films considérés comme plus “durs”. Ainsi, en 2016, Nicolas Winding Refn présentait son «The Neon Demon» et, en 2022, le grand David Cronenberg débarquait avec «Crimes of the Future». Réalisateur culte, spécialiste des corps poussés à l’extrême, son retour à Cannes avec «Les Linceuls» avait enthousiasmé les fans, impatient.es de découvrir ce que beaucoup pensaient être un nouveau classique de l’épouvante.
Mais c’est «The Substance» qui a fini par prendre le public d’assaut. Projeté en première, un jour avant «Les Linceuls», le film présente un style très proche d’un Cronenberg de la vieille école. Le public s’interroge alors: serait-il possible que les noms des cinéastes aient été mélangés? Mais non, c’est bien la Française Coralie Fargeat qui se cache derrière ce passionnant projet, son deuxième long métrage après «Revenge» de 2017. Et la réalisatrice, aussi scénariste, dose l’effroi avec savoir faire, préférant tout d’abord apporter à son œuvre une certaine profondeur. Ainsi, elle aborde des thèmes substantiels comme la beauté, la vieillesse ou la déshumanisation. Et le résultat est passionnant.
Bien plus qu’un simple enchaînement de scènes typiques du genre “body-horror”, «The Substance» ose creuser son sujet pour offrir de larges interrogations. Des questionnements à double vitesse où se mêle le «Qui suis-je?» individuel à des réflexions plus globales sur nos sociétés contemporaines. En réfléchissant à ses thématiques, la réalisatrice Coralie Fargeat met en place une dualité à la synergie unique! Les instants d'horreur, absoluments perturbants, complètent une œuvre en passe de devenir un classique du genre.
(Cannes 2024, adapté de l'allemand)
Votre note
Commentaires
OMFG! Je ne m’attendais pas à ça! Je n’ai pas pu regarder un grand nombre de scènes tellement c’était gore…mais j’ai beaucoup aimé! Une histoire originale et très bien ficelée. Une belle critique de cette quête de la « perfection » qui, profitons de cette occasion pour le rappeler, n’existe pas.… Voir plus
Seulement une femme peut faire un film pareil, profond plus qu’on le croit, le narcissisme dans un vertige, « la meilleure partie de toi » est la plus avide de triomphe jusqu’à la destruction , des échos de Éléphant Man et encore Kubrik dans le choix de la musique et du bain de sang …menstruel?… Voir plus
4.5: Une étoile est née
Elisabeth est une star quinquagénaire qui connaît le succès grâce à un programme de fitness télévisé qui lui a valu une étoile sur Hollywood Boulevard. Mais passé un certain âge on devient inintéressante et lorsqu’elle surprend une conversation de son producteur cherchant une jeune remplaçante, elle tombe sur une annonce ventant une substance mystérieuse donnant une seconde jeunesse... et un second corps pour une semaine : celui de Sue, 30 ans plus jeune. La règle est claire: chaque partie du binôme peut vivre une semaine maximum. Et attention si la règle est transgressée.
Le voici ce phénomène cannois prix du scénario. En voyant le genre et étant préparé à du gore, il y a de quoi surprendre. Pourtant le prix s’avère justifié.
Se chercher une seconde vie et jeunesse n’est pas sans risque et le prix à payer pour en quelque sorte garder la vie éternelle est lourd, d’autant plus quand vous appartenez à une certaine élite et que votre gloire passagère peut être très vite réduite en bouillie.
Coralie Fargeat ne va pas nous priver de bouillie et autant vous prévenir que davantage que les expériences de Cronenberg avec insectes, nous atteignons à deux moments du film des sommets de transformation et il faut effectivement avoir le cœur bien accroché.
Mais il faut également une écriture procès cruelle de haut niveau et deux extraordinaires actrices particulièrement Demi Moore qui se décompose littéralement pour nous offrir une illustration de cette déchéance future et nous marque déjà par son physique, mais encore plus par son « regard » sur la séquence finale absolument brillante dans l’horreur et la starification, point d’orgue de cette cruelle et juste satire sur le monde audiovisuel.
A recommander vivement mais si vous êtes en pleine possession de vos moyens et n’avez pas peur de voir de la chair naître...… Voir plus
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