The Wolfpack Etats-Unis 2015 – 89min.
Critique du film
The Wolfpack
New York, Lower East Side. Elevés par des parents marginaux, les six frères Angulo n’ont quasiment jamais quitté leur appartement en quatorze ans. Pour les protéger de la violence du monde extérieur, leur père les a empêchés de sortir, hormis quelques très rares occasions. Leur seul lien avec la réalité est le cinéma américain, devenu un refuge et une source d’inspiration pour la fratrie, qui reproduit les scènes cultes de leurs films préférés. Mais l’équilibre de la famille se fissure lorsque l’un d’eux décide de sortir pour explorer la ville, premier pas d’une émancipation compliquée.
C’est lorsqu’elle a croisé ces six frères aux cheveux longs, avec des lunettes de soleil, dans les rues de Manhattan, que Crystal Moselle a découvert ce qui deviendrait le sujet de son premier film : l’histoire extraordinaire de cette famille hors-normes. Et cette meute de loups (Wolfpack), surprotégée par un père autoritaire qui leur refuse l’accès au monde mais leur offre sur un plateau celle du cinéma américain (notamment Quentin Tarantino et David Lynch), provoque effectivement une foule de sentiments : la surprise, la curiosité, le mépris, la colère, l’indignation, et même le rire complice lorsque la réalisatrice filme les délires cinéphiles de ces adolescents dont les créations ne seraient pas reniées par Michel Gondry (le costume de Batman, 100% homemade). Mais The Wolfpack pose un certain nombre de questions : jusqu’où les membres de la famille, ou peu équilibrés ou très jeunes, étaient conscients du processus lorsqu’elle a donné son accord à Crystal Moselle ? Le film interroge autant qu’il intrigue, et laisse au final l’impression amère que toute la valeur du film documentaire, assez peu remarquable en soi, repose principalement sur des personnes incroyables qu'elle se contente de filmer et observer, sans aller au-delà des évidences.
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Commentaires
Bien étrange que la famille Angulo. Six jeunes frères, longs cheveux noirs et figures androgynes, portant chacun un prénom sanskrit – Bhagavan, Govinda, Narayana, Mukunda, Krisna et Jagadesh – . Une petite sœur peut-être autiste, Visnu, qui, dit-on pudiquement, vit dans son monde et à laquelle la caméra ne s’intéressera pas. Susanne, leur maman, hippie douce mais effacée. Oscar, leur papa d’origine péruvienne, tyran à domicile pour seule profession. A neuf, ils vivent en meute – "wolfpack" – dans un appartement subventionné de New York avec l’interdiction d’en sortir. Révélé à Sundance, ce documentaire pourrait être le pendant masculin du Mustang de Deniz Gamze Ergüven. Sous prétexte de les protéger du monde extérieur, les enfants sont enfermés là où paradoxalement la menace est la plus grande. Leur échappatoire ? La solidarité, le rêve et l’imagination. Ici, la fratrie s’efforce de reconstituer scènes et dialogues des milliers de films dont ils se sont abreuvés depuis toujours. Comme dirigés par un Michel Gondry de passage, ils rejouent joyeusement Reservoir dogs, Pulp fiction et The dark knight dans des costumes de carton-pâte, le regard tourné vers Gotham. Simple amusement ou vital exutoire ? Car derrière l’aspect ludique de leurs ébats se dissimule une violence rentrée mais bien présente. Tarantino, le Joker et Halloween les inspirent. La première fois que Mukunda se risque à l’extérieur du foyer, c’est en portant un masque à la Mike Myers, le psychopathe de John Carpenter. Il y a de quoi craindre pour la santé mentale de ces garçons dans une réalité construite cinématographiquement et où l’ennemi se veut intime. Leur père est une sorte de gourou insensé qui a choisi une mégalopole pour vivre en isolement, revendique d’être libre de toute philosophie et religion, alors qu’il (s’)impose des règles limitatives et, tout en se justifiant de protéger des autres sa progéniture, la confronte à son propre alcoolisme et à sa brutalité. Bien étrange donc que cette famille Angulo dont l’attitude nous laisse un peu à distance le regard plein d’interrogation au point de penser qu’un tel sujet aurait paradoxalement pu gagner en intensité par la fiction. Tous sont aujourd’hui devenus bon gré mal gré de vrais héros de cinéma.
Pensée du jour : le cinéma comme mode de survie.
6.5/10
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