At Eternity's Gate France, Irlande, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis 2018 – 111min.
Critique du film
Une âme sur les abîmes
Van Gogh disséqué par le peintre néo-expressionniste et cinéaste Julian Schnabel. Une œuvre poignante, picturale, qui convoque les abîmes dans lesquels est empêtré l’un des peintres les plus fascinants de notre ère.
En avance sur son temps, à la recherche d’une nouvelle lumière, du calme, d’une inspiration qu’il trouvera dans le sud de la France, à travers ses échanges avec Paul Gauguin (Oscar Isaac). Une épopée mélancolique, ponctuée d’éclats de brillance. Inspiré des lettres de Vincent Van Gogh, des événements, des rumeurs ou d’élans imaginatifs, At Eternity’s Gate retrace un pan de la vie atypique d’un artiste, d’un homme à la lisière de la folie, doté d’un talent unique.
Penser comme Van Gogh, camper la vie d’un peintre légendaire. Julian Schnabel glisse sa caméra dans la boîte crânienne du peintre, le psychanalyse pour en ressortir une sublime fresque de justesse, d’abnégation, de beauté. Willem Dafoe campe Van Gogh, il devient Van Gogh l’espace de 2 heures. Une performance magnifiée par une mise en scène à la première personne, à la vision hallucinée, où folie rime avec talent. Un peintre né, un autodidacte effrayé par la bêtise des autres, artiste incompris aux tableaux vivants. Un biopic qui n’en est pas un. At Eternity’s Gate s’affranchit des codes, s’armant d’une vision euphorisante, emprunt d’une profondeur d’esprit sublime, poignante. Les tableaux pulsent, ils expirent, s’expriment à la place de son auteur mutique.
Un regard sur l’imaginaire, des rêves illuminés aux sombres cauchemars. Une relation aimante avec l’éternité, une relation désintéressée avec la race humaine. La solitude comme meilleur ami, outre Paul Gauguin, et Théo (Rupert Friend), son frère, comme bouée de sauvetage. At Eternity’s Gate s’abreuve d’une liberté artistique. Une œuvre picturale, à la photographie prodigieuse. Le cinéma devient peinture, une toile où Schnabel brosse le portrait d’un artiste à la lisière de la folie, traîné dans la boue car trop différent. Un film aux contours somptueux, à la beauté surréaliste. Vincent Van Gogh repeignait le monde, il lui insufflait une autre dimension. La nature retrouve de sa vitalité à travers son regard, les couleurs se mélangent pour déployer un film à l’aquarelle somptueuse, que seul Van Gogh pouvait voir, sentir, retranscrire. Les tournesols se fanent, Vincent Van Gogh sombre dans l’effroi, se coupe l’oreille, rompt avec l’angoisse. Son passage à Auvers-sur-Oise lui confère une paix intérieure, avant d’être fauché par l’ignorance humaine. Julian Schnabel lui rend hommage de manière intime et magistrale.
En bref !
Un peintre né. À travers des échanges et des rêveries, Julian Schnabel crée une vision hallucinante de beauté, à l’esthétique rare. Une percée si loin du monde, si proche de la perfection artistique, à laquelle seul quelques artistes peuvent prétendre. Vincent Van Gogh, admirablement campé par Willem Dafoe, réussit à nous embarquer dans son existence effrayée, son coup de pinceau éternel.
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Commentaires
2.5: L’évangile selon Saint-Vincent
1887, Arles: Vincent Van Gogh ne trouve de quiétude qu’en peignant la nature. Mais il ne faut surtout pas le déranger sous peine de passer un sale quart-d’heure, ce qui lui vaut mépris et désintérêt artistique des habitants. La rencontre avec Gauguin et la naissance d’une apparente amitié pourrait lui redonner goût à la vie. Mais lorsque ce dernier lui annonce repartir pour Paris, la folie auditive va gagner le peintre néerlandais.
Le voici donc ce nouveau biopic sur mon homonyme peintre. Ayant en tête tant la version avec Kirk Douglas que celle de Pialat, toutes deux remarquables, j’espérais donc une nouvelle approche sur l’inédite relation avec Gauguin. Je reste sur ma faim.
Sur un plan artistique, la place accordée à la couleur est absolument remarquable avec une sorte de confrontation entre la clarté de la nature et l’ombre de la réaction humaine que Schnabel reproduit assez bien en faisant certes passer Van Gogh pour un aliène, mais également en dressant un procès sur la méconnaissance artistique d’alors ( hallucinante thérapie religieuse) et un parallèle biblique plus que douteux.
Le gros problème du film est son montage : a force de ne pas respecter une chronologie continue, et de façon très curieuse, l’on se perd parfois dans le temps (notamment sur la véritable cause de l’internement de St-Remy et une séquence coupée en deux dont l’explication survient trop tard pour susciter une quelconque émotion).
Je regrette également que Auvers-sous-Oise soit si vite évoquée et l’ultime révélation sur le pourquoi de ce traitement précis ne parvient pas à rétablir la justice envers ce maître de la beauté. Et perso, je trouvais Dutronc beaucoup plus expressif que Dafoe.
A vous de voir...… Voir plus
“De l’ombre à la lumière”
Incompris à Paris, Vincent Van Gogh quitte la capitale pour le Sud français. Réfugié à Arles, il s’en va quêter la lumière.
Subjective ou à l’épaule, la caméra traque l’artiste à fleur de peau et montre le génie au travail. A quoi pense-t-il ? Que voit-il ? Qu’entend-il ? Images floues et déformées. Couleurs grises ou saturées. Musique dissonante envahissante. Le film raisonne et résonne jusqu’à l’excès, au risque de perdre vite son spectateur le moins endurant.
Mais l’intention est bonne et la parole est belle. Vincent Van Gogh, figure christique en avance sur son temps. Malmené, malaimé, il sera rejeté et peut-être tué. Incarné avec foi par Willem Dafoe, le peintre a vécu jusqu’à sa mort aux portes de l’éternité, pour y briller encore aujourd’hui.
6.5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
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