Les deux Papes Argentine, Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis 2019 – 125min.
Critique du film
Une passation de pouvoir devant l’histoire
Oscarisés pour La Cité de Dieu, Fernando Meirelles et le scénariste Anthony McCarten, se sont penchés sur l’une des passations de pouvoir les plus importantes de l'Église catholique, une amitié aussi, entre un progressiste et un traditionaliste, celle qui unira le Pape Benoît XVI et son critique le plus sévère, l’archevêque Jorge Mario Bergoglio.
En 2005 pour préparer la succession de Jean-Paul II, et alors que des voix s’élèvent pour l’argentin Jorge Mario Bergoglio (Jonathan Pryce), c’est finalement le cardinal Ratzinger qui sera élu à l’issue du conclave; “Habemus papam!”, le bavarois Benoît XVI (Anthony Hopkins) célèbre son pontificat. Diamétralement opposé aux prises de position de l’Église, l’archevêque argentin Bergoglio continuera pendant 7 ans avant de demander la permission de prendre sa retraite. Or en 2012, le Pape est lui aussi assailli par le doute, et Benoît XVI convoque son plus sévère pourfendeur derrière les murs épais du Vatican pour lui faire part d’une décision qui pourrait bien ébranler un milliard de fidèles à travers le monde.
C’est un voyage à Rome qui a inspiré le scénariste Anthony McCarten (Darkest Hour), à écrire Les deux Papes. Alors que le Pape François conduit une messe sur la place St Pierre, l’ancien Pape Benoît XVI gambade dans un couvent à quelques encablures, et pour la première fois depuis 500 ans, deux pontifes sont vivants au même moment. Gamberge alors l’idée d’un long-métrage, et fasciné par la relation qui lie ces deux hommes, McCarten imagine le récit de leur rencontre et de leurs conversations en 2012 à Rome, alors que Benoît XVI s’apprête à fermer boutique.
Loin d’une célébration funk à la Jesus Christ Superstar, Les deux Papes est une déambulation théologique sur la foi et la spiritualité. Exempt de prosélytisme et autre canonisation du culte chrétien, le film se pose ailleurs, délicatement. Filmé à Rome, le métrage du visionnaire brésilien Fernando Meirelles, propose une immersion fascinante dans les arcanes d’un conclave et de ses rituels, dans l’intimité des salons et des jardins papaux, pour une envolée théologique sur la foi.
Anthony Hopkins est d’une évidence rare. Son flegme, immaculé, sa gestuelle, son phrasé, sa maestria silencieuse. Jonathan Pryce, lui aussi émancipé d’une performance grandiloquente, révèle une intériorité humble, généreuse et subtile. Si les acteurs ne manquent pas de ressembler aux pontifes, et prêtent à la fiction un réalisme troublant, le cinématographe César Charlone dévoile une photographie à la fois feutrée et une caméra proche du documentaire, à l’image de son ouverture au téléphone, et d’une intensité chirurgicale comme dans une géniale séquence pré-conclave toute en reconstitution d’images d’archives ou du volet entier consacré au rôle controversé de Bergoglio pendant la dictature militaire en Argentine.
Le traditionalisme du Pape Benoît XVI empêtré dans les affaires de corruption comme contrepoint à la modernité de son successeur, Les deux Papes revient aussi sur Vatileaks et les allégations du Vatican. Loin de se faire l’avocat, le métrage laisse la parole. Lesté parfois d’illustrations très anecdotiques de la dite modernité de Bergoglio, ou de leur amitié lors d’une finale de coupe du monde coulée à la bière en tomber de rideau, le film offre aussi de vertigineuses lignes de dialogues, et paradoxalement c’est peut-être quand le métrage se tait qu’il se révèle le plus profond. Il nous revient une scène, baignée de silence alors que la foi vieillissante de Benoît XVI s'effondre: “Je sais bien qu’il est ici, mais il ne rit pas…”. Une vie de dévotion torpillée par la solitude. En bref!
Porté par les incroyables interprétations d’Anthony Hopkins et Jonathan Pryce, Les deux Papes dévoile le récit fascinant d’une passation de pouvoir historique.
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