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Yalda, la nuit du pardon France, Allemagne, Iran , Liban, Luxembourg, Suisse 2019 – 89min.

Critique du film

La vie ou la mort en direct sur un plateau télé

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

Une téléréalité où des individus condamnés à mort jouent leur dernière carte, ou quand la réalité dépasse la fiction. Huit ans après Une famille respectable, Massoud Bakhshi s’inspire d’une émission de télé iranienne pour écrire et réaliser son deuxième long métrage. Un huis clos tendu et oppressant, récompensé au festival de Sundance par le Grand prix du jury.

Une téléréalité où des individus condamnés à mort jouent leur dernière carte, ou quand la réalité dépasse la fiction. Huit ans après Une famille respectable, Massoud Bakhshi s’inspire d’une émission de télé iranienne pour écrire et réaliser son deuxième long métrage. Un huis clos tendu et oppressant, récompensé au festival de Sundance par le Grand prix du jury.

Téhéran, une fourmilière géante. Les autoroutes de la métropole iranienne grouillent de voitures en cette soirée de Yalda, la nuit la plus longue de l’année. Au même moment, la vie de Maryam (Sadaf Asgari) est en jeu. La jeune femme de 22 ans, accusée d’avoir tué son mari Nasser, de 40 ans son aîné, participe à une émission de téléréalité qui pourrait lui permettre d’échapper à une fin tragique. La personne à qui revient la lourde tâche de décider du sort de Maryam s’appelle Mona (Behnaz Jafari), la fille de Nasser. Elle seule a la possibilité de gracier la malheureuse en lui pardonnant son acte. Devant des millions de téléspectateurs, cette dernière doit choisir de condamner ou sauver Maryam.

Difficile à croire mais cette émission a réellement existé. Ultra populaire en Iran, le programme de téléréalité, arrêté depuis, a inspiré Massoud Bakhshi pour raconter l’histoire tragique et dérangeante de cette jeune femme ayant accidentellement tué son mari. En Iran, le droit musulman prévoit la peine capitale pour tous meurtres, volontaires ou non. La seule issue possible pour le coupable est d’obtenir le pardon de la famille de la victime qui, en échange de sa grâce, reçoit le «prix du sang», ou en d’autres termes une compensation financière.

Enfermée dans les studios de l’émission, Maryam, comme un lion en cage, n’a aucun contrôle sur ce qui lui arrive et subit une situation qui lui échappe complètement. Déboussolée, elle doit affronter en direct des millions de téléspectateurs, mais également composer avec une mère envahissante, des producteurs pressants et un présentateur, beau gosse de service, tout ça dans un décor d’un kitsch à faire tourner de l’œil. Maryam, elle, ne demande qu’une chose: pouvoir parler à Mona des réelles circonstances de ce drame involontaire.

Dans ce huis clos, Massoud Bakhshi développe une multitude de thématiques. En direct et en coulisses, le film plante entre 4 murs et avec une tension omniprésente et un suspense comateux les enjeux auxquels la société iranienne est confrontée. Avec comme thème récurrent le pardon et la capacité de chacun d’excuser l’autre, l’histoire balaie des thématiques plus larges telles que le clivage entre riches et pauvres et la modernité confrontée aux traditions religieuses. Les paradoxes d’une société qui veut vivre avec son temps, mais prise en étau dans un carcan religieux d’un autre âge.

Tourné entièrement à Téhéran, Yalda, la nuit du pardon, trace les contours d’un drame contemporain, aussi immonde dans ce qu’il donne à penser du prix de la vie humaine qu’effroyable dans sa mise en scène digne d’un spectacle. Criante de réalisme même si dramatisée pour les besoins de l’intrigue, l’histoire dresse le portrait d’une société étouffée par ses contradictions, symbolisée par la figure de Maryam qui ne cesse d’hurler mais qui ne parvient jamais à se faire entendre. Pesant, étouffant mais intelligent.

26.10.2020

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“Faites entrer l’accusée”

Maryam est inquiète. Accusée d’avoir tué son mari, la jeune femme joue son destin à la télévision. Ce soir, lors de l’émission « Le plaisir du pardon », elle saura si elle est sauvée ou condamnée.

Téhéran, ville moderne, où la tour panoramique contemple de haut les gratte-ciels alentour. Dans la nuit noire, le trafic est aussi dense qu’en journée. Les routes s’illuminent en même temps que les écrans. Couleurs criardes, néons aveuglants, mobilier kitsch enrobent ce tribunal médiatique. Entre chansons et poèmes, la jeune meurtrière y sera bientôt confrontée à la fille unique du défunt. Seule celle-ci a le droit de pardonner ou non, en choisissant entre la loi du talion et le prix du sang. Pour influer son verdict, tapez 1 ou 2 ! Au nom de Dieu, le show peut commencer…

Cette mort en direct déstabilise le regard occidental, car le film s’inspire – avec exagérations – d’une véritable émission de télévision iranienne aujourd’hui déprogrammée. La téléréalité semble avoir rattrapé la dystopie. La mise en scène jongle entre le plateau accueillant les salamalecs d’un animateur trop propre sur lui face à la gêne grandissante de ses tristes invitées, et les coulisses dans lesquelles s’entremêlent cynisme, avarice et désespoir. On ne découvrira pas le téléspectateur témoin et voyeur, bien à l’abri devant son poste ou dans la salle de cinéma. Hélas, alors que son sujet fort suffisait amplement, le réalisateur scénariste l’alourdit d’une histoire d’enfant mélodramatique et mal menée. L’aspect documentaire et sociologique supposé laisse ainsi place à un soap larmoyant qui perd toute crédibilité.

5.5/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


Eric2017

il y a 4 ans

Une émission de télé-réalité en Iran tente de demander en direct et devant des millions de téléspectateurs le pardon à la fille de la victime. Jusqu'à la fin on ne saura pas si cette jeune femme échappera à la peine capitale. Un film poignant et très bien interprété. (G-12.10.20)


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