Histoire d'un regard France 2020 – 93min.
Critique du film
Le poids des images face à l’absence de mots
Reporter-photographe dans les années 1960, Gilles Caron disparaît mystérieusement au Cambodge en 1970 à l’âge de trente ans. La réalisatrice Mariana Otero lui consacre un documentaire qui retrace ses plus grands reportages en donnant une place majeure à ses photographies.
Un jour, Mariana Otero reçoit la biographie de Gilles Caron, un reporter-photographe français qui travaillait pour l’agence Gamma à la fin des années 1960. Sa disparition au Cambodge en 1970, alors qu’il n’avait que trente ans, reste encore un mystère. Intriguée par l’un des clichés qui fait écho à sa propre vie, la réalisatrice désire en apprendre plus sur l’homme. Elle se plonge alors dans les 100'000 photographies qu’il a laissées derrière lui pour nous conter son histoire.
C’est donc un véritable travail de recherche titanesque auquel s’est astreint Mariana Otero, même si elle avait déjà exploré ce procédé dans le film sur sa mère, Histoire d’un secret, sorti en 2003. Le résultat en vaut la chandelle puisque le documentaire s’avère passionnant d’un bout à l’autre. On y découvre ainsi les reportages-photos saisissants du journaliste qui ont fait sa renommée: la guerre des Six Jours, mai 68, la famine au Tchad, la guerre du Vietnam ou encore le confit nord-irlandais.
Bien qu’elle soit aidée de quelques lettres et témoignages, la réalisatrice redonne surtout vie au photographe à travers ses images. Elle cherche à comprendre le cheminement des reportages et adopte ainsi un point de vue certes subjectif, mais auquel il est facile d’adhérer car, comme elle, on tente d’interpréter les choix de position ou de sujets qui se retrouvent devant l’appareil photo. Les segments du long-métrage prennent alors des formes différentes, même si les photographies restent au centre du propos. Outre ses déductions personnelles, la cinéaste fait appel à un historien pour retracer le parcours de Gilles Caron dans les rues de Jérusalem. Elle se rend en Irlande du Nord pour rencontrer des protagonistes photographiés durant les émeutes ou écoute le témoignage d’un ancien collègue du reporter.
Mais la majeure partie du long-métrage consiste surtout à faire défiler les clichés du photographe et si ce choix de montage aurait pu être facilement rébarbatif, voire ennuyeux, l’ensemble reste fascinant. Il faut dire que les sublimes photographies de Gilles Caron méritent le coup d’œil. Il en faut peu pour comprendre à quel point le journaliste savait saisir l’instant parfait et parvenait toujours à mettre à l’individu en avant. Son expérience en tant que soldat durant la guerre d’Algérie se ressent dans ses choix visuels et son regard en dit beaucoup. Comme le dit la réalisatrice, il devient tour à tour témoin, acteur, accusateur et complice de situations qui le dépassent souvent. Cette enquête passionnante lui rend ainsi un très bel hommage.
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement