Vaches sur le toit Suisse 2020 – 80min.
Critique du film
Fabiano, cet éleveur dans la tourmente
Aldo Gugolz nous emmène dans une vallée reculée au cœur des Alpes tessinoises pour nous conter l’histoire de Fabiano, un éleveur de vaches et de chèvres. Dans la rudesse de la montagne, le réalisateur lucernois brosse le portrait sans fards d’un homme rongé par les doutes et la culpabilité.
Niché sur les hauteurs d’une vallée tessinoise retirée, l’élevage de bêtes de Fabiano coule des jours paisibles. Le paysan, lui, est un homme tourmenté. Alors qu’il s’apprête à accueillir un heureux évènement avec sa compagne, ce dernier est confronté à bien des agitations. D’abord parce qu’il y a quelques mois, une mort étrange est venue secouer la quiétude de ce petit coin de terre. Un travailleur agricole macédonien que Fabiano employait au noir est parti un jour, sans laisser de traces. Les restes du corps de ce dernier sont retrouvés 10 mois plus tard, dans la forêt. Mort accidentelle, homicide, règlement de comptes? Les théories les plus folles sont évoquées.
Pour Fabiano, au-delà des spéculations, c’est toute son existence qui est mise à mal. Rongé par la culpabilité de n’avoir pas signalé la disparition de son employé, l’éleveur subit les commérages et la mise à pied des habitants de la vallée. Les rumeurs ont la peau dure dans ces contrées rurales. À la culpabilité viennent se greffer les doutes. À l’arrivée de son fils, Fabiano réalise que son style de vie en tant que producteur de fromage hérité de ses parents marginaux se heurte à la dure réalité d’une société dans laquelle il est complexe de vivre différemment du modèle métro-boulot-dodo.
Adlo Gugolz a suivi son protagoniste pendant presque deux ans. Lors d’une randonnée, le réalisateur fait la rencontre de quelques hommes venus d’un peu partout et travaillant dans les alpages. Il décide d’en faire un documentaire, la mort mystérieuse de l’un deux comme point d’ancrage. Si l’ombre de ce décès plane sur tout le film, le réalisateur propose un questionnement plus global sur les modes de vie contemporains, sur les choix et les chemins parfois difficiles à quitter une fois empruntés.
Vaches sur le toit dévoile la nature dans son état le plus brut et morne. Les Alpes sont faites de dangers et l’hostilité de la montagne n’a d’égal que la rudesse et l’imprévisibilité de l’existence. Aldo Gugolz dépeint une image sans concession de ce coin reculé de Suisse, là où la frontière entre vie et mort est fine. Il pleut des cordes et tout est gris tout au long du documentaire, comme pour traduire les inquiétudes et la nostalgie de Fabiano, mais également la brutalité des lieux. Le portrait sans fards de Fabiano dressé par Gugolz, cet éleveur un peu sauvage et marginal, soulève la question plus actuelle que jamais: peut-on encore de façon réaliste aspirer à un tel mode de vie aujourd’hui?
De facture classique, le documentaire aurait peut-être bénéficié de quelques nuances dans sa tonalité. À trop s’efforcer de montrer l’hostilité de la nature à travers une succession de plans maussades, le film souffre d’un ton monocorde pesant. Sur fond de tragédie humaine, qui reste encore à ce jour un mystère, le film a toutefois l’avantage de donner la parole à une tranche de la population en marge pour qui l’avenir est flou.
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