Mi iubita mon amour France 2021 – 95min.
Critique du film
14 Days of Summer
Présenté en Séances Spéciales au 74ème festival de Cannes, le premier métrage de la talentueuse actrice Noémie Merlant, particulièrement éclatante chez Céline Sciamma, prend la forme d’une ode à la liberté, aux pulsions et à l’impulsion d’une urgence créatrice.
Réalisé dans l’urgence, au détour d’un été en Roumanie, le premier film de Noémie Merlant contient le charme de ces productions improvisées, guidées par une passion de feu dont on ne doutera pas de la sincérité. Plus précisément, c’est à l’occasion d’un séjour en Roumanie dans la famille de Gimi-Nicolae Covaci, acteur et coscénariste de ce coup d’essai, que se forme une petite équipe de 11 personnes dont l’objectif est clair : donner naissance en 14 jours à un film solaire, qui prend intimement appui sur le vécu commun de ce groupuscule (les actrices Sanda Codreanu, Clara Lama-Schmit et Alexia Lefaix sont des amies proches de la jeune cinéaste, Gimi-Nicolae Covaci est son compagnon).
Le point de départ de cette histoire se situe dans la volonté de réaliser un long-métrage d’émancipation : sur le point de se marier, Jeanne (Noémie Merlant) entreprend un voyage en Roumanie avec ses meilleures amies afin d’y célébrer son enterrement de vie de jeune fille. Or, l’image, dès le début, nous donne à comprendre son étouffement, probablement celui promis par son engagement. Alors que le film s’ouvre à l’intérieur d’une voiture, dans laquelle règnent enthousiasme et légèreté, Jeanne, elle, a la tête en dehors de la vitre, comme pour trouver refuge, respirer, au sein de ce mariage qui commence déjà à l’oppresser.
Mais avant d’être ce long-métrage libérateur, le film démarre plutôt dans la méfiance des autres, de ceux qui pourtant se mettent à disposition pour aider : Jeanne et ses meilleures amies, enfin arrivées en Roumanie après de longues heures de route, se font voler leur voiture à proximité d’une station-service (papiers, argent, vêtements : tout était dans ce véhicule…). Remarquant la panique qui s’installe, Nino, 17 ans, accompagné de son petit frère, 11 ans, leur propose de les accueillir au sein de la maison familiale, hospitalité que le groupe de filles n’aura d’autre choix que d’accepter.
Ainsi se met en place un choix d’écriture, probablement contraint par la production éminemment serrée du film, qui organisera fortement la première partie de l’œuvre (le film se divise en deux chapitres : le premier, mi iubita, le deuxième, mon amour) : recentré le récit autour d’un décor quasi-exclusif, la demeure de la famille de Nino. Cependant, la contiguïté des décours prend tout son sens dans la narration souhaitée par la cinéaste, puisque c’est précisément par la proximité à l’autre qu’on le découvre dans son authenticité. Car, ce qu’il faut dire, impérativement, lorsque l’on parle de Mi iubita, mon amour, c’est qu’il nous convie au décentrement, il nous invite à regarder l’altérité par-delà la méfiance initiale et les préjugés « -Excusez-moi, je peux boire l’eau du robinet ? -Bah oui » « -On peut se baigner ici ? -Oui. -Mais il y a des pneus et des bouteilles dans l’eau » « -Vous mangez ce que vous péchez ? -Oui, c’est le plat que vous allez manger ce soir ».
Malgré certains défauts, certainement inhérents à ces créations faites dans l’urgence, le premier long-métrage de Noémie Merlant en tant que cinéaste dégage l’impression d’assister à la naissance d’une artiste dont le sens aiguisé du cadre n’entache jamais la charge émotionnelle contenue dans l’écriture. Sincère autant que solaire, Mi iubita, mon amour se donne comme une des sorties à ne pas manquer en cette période estivale.
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