Utama: La terre oubliée Bolivie, France, Uruguay 2021 – 87min.
Critique du film
Hommage à notre terre, notre maison
Ticket bolivien pour les Oscars, ce film signé Alejandro Loayza Grisi séduit lorsqu’il se saisit d’un postulat bien connu pour représenter le quotidien des premiers migrants climatiques.
Aux abords d’un village de l’Altiplano bolivien se sont établis Virginio (José Calcina) et Sisa (Luisa Quispe), un couple Quechua octogénaire. Lui, élève des lamas, elle travaille la terre et ramène l’eau au foyer. Témoignant d’un profond respect pour leurs montagnes natives et les divinités qui veillent sur eux, ils se refusent à quitter la plaine aride et renoncer à leur culture. Mais la santé de Virginio empire à mesure que le sol s’aridifie, et bientôt le couple est forcé de choisir, lorsque leur petit-fils Clever (Santos Choque) les enjoint à émigrer en ville.
Au milieu d’un paysage désolé cerné de blancs sommets, à mi-chemin entre la plaine aride et le ciel désespérément clair, deux êtres s’échinent à vivre. Long-métrage tourné avec des comédiens non-professionnels, à plusieurs milliers de mètres d’altitude, Utama est une réussite au sous-texte politique fort.
Plus contemplatif que profond, le film préfère aux dialogues les silences et regards lourds de sens propres au vieux couple. Plutôt que de faire de ses personnages archétypaux les moteurs du récit, le réalisateur choisit de les inscrire pleinement dans le décor, les filmant à distance. Aussi, ils en deviennent les réceptacles du deuil d’une communauté que traversent les natifs quechuas. En plus de l’opposition ville-nature et de la migration, le film traite aussi, bien que maladroitement, de la rupture générationnelle via Carter, déconnecté de son héritage, qui voit le comportement de son grand-père comme égoïste.
Photographe avant d’être réalisateur, Alejandro Loayza Grisi soigne bien plus ses compositions que ses face-à-face houleux, souvent répétitifs. Aussi, fort de sa collaboration avec la directrice de la photographie argentine Barbara Alvarez, il dévoile avec talent dans de longs plans évocateurs le vol d’un condor ou la mort d’un lama comme les signes avant-coureurs de la fin de Virginio, et avec lui ce mode de vie ancestral.
Œuvre aussi superbe formellement que poétique, Utama signe le début d’un réalisateur bolivien à suivre.
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