Trois mille ans à t'attendre Australie, Royaume-Uni, Etats-Unis 2022 – 108min.

Critique du film

Un conteur de génie

Critique du film: Damien Brodard

Lors d’un voyage à Istanbul, une narratologue solitaire met la main sur une relique renfermant un Djinn qui lui propose d’exaucer trois de ses vœux. À travers ses nombreux récits, l’être surnaturel cherche à convaincre son interlocutrice de formuler un souhait, elle qui prétend ne rien désirer.

Qu’elle fut longue, l’attente du nouveau film de George Miller ! Après avoir mis un coup de pied dans la fourmilière des blockbusters en 2015 avec son explosif Mad Max : Fury Road, on aurait pu croire que le réalisateur australien veuille se reposer avec son projet suivant. Or, il n’en est rien : sous ses airs de conte des Mille et Une Nuits revisité, bien loin des fracas du précédent long-métrage, ce Trois Mille ans à t’attendre se révèle être une ode à l’imaginaire, regorgeant d’idées tant narratives que visuelles.

En adaptant une nouvelle dont il a acquis les droits à la fin des années 1990, Miller se fait conteur d’une multitude de récits qu’il place au cœur de son œuvre. La transmission des histoires, leur pouvoir de divertir et leurs mises en garde constituent non seulement le thème central du film, mais également le moteur qui permet une réalisation des plus inventives, jouant sans cesse avec le mouvement et la fluidité des transitions visuelles ou sonores. La narration rythmée et exaltante garantit tant un divertissement de qualité qu’une réflexion sur les récits eux-mêmes. Au-delà du simple plaisir de visionnage se cache en effet des questionnements sur l’importance des légendes aux yeux de l’humanité, leur apport à la société ou encore leur éventuelle désuétude à l’ère moderne. Le long-métrage se révèle donc bien plus érudit et complexe qu’il n’y paraît au premier abord, mais jamais de manière méprisante et toujours accessible.

Tout cela semble bien théorique, et pourtant tout ce qui tient du visuel n’est pas en reste. La multiplicité de fables se déroulant en Orient durant plusieurs siècles, au cours de la période ottomane ou même biblique, représente l’occasion rêvée pour les équipes techniques d’en mettre plein les yeux. Les décors, les costumes et les différents maquillages sont tous plus impressionnants et excentriques les uns que les autres, à un point tel que la direction artistique pourrait dangereusement s’approcher de la surenchère et du kitsch. Il s’agit là d’un terrain connu pour Miller qui a souvent exploré le bizarre et la démesure dans ses précédentes œuvres.

Cet aspect peut certes laisser en dehors, mais est pourtant une formidable porte ouverte à l’imaginaire, également développé par la musicalité des différentes langues parlées, dont le grec, le turc et l’arabe. Une intention assez peu commune, mais tout à fait bienvenue dans un film de cette ampleur. Malgré un budget inférieur à la grande majorité des blockbusters hollywoodiens, les effets spéciaux restent très bien travaillés et sont sublimés par une photographie somptueuse, semblant souvent presque irréelle.

Que dire enfin du duo de vedettes? Tout d’abord, Tilda Swinton, comme toujours impeccable, parvient à glisser ses quelques pointes d’humour et donner de la profondeur à son personnage d’érudite a priori très fermé à la fantaisie. Toutefois, c’est bien Idris Elba qui tire ici son épingle du jeu dans le rôle du Djinn, monstre de charisme aussi intrigant qu’émouvant. L’acteur britannique trouve sans doute là un rôle qui lui permet de déployer son talent, du moins un peu plus que lorsqu’il interprète des gros bras dans les films d’action. Un superbe duo qui porte donc le film grâce à une formidable alchimie et un sens de l’émotion ravageur dans leurs dernières séquences.

Trois Mille ans à t’attendre est un conte ambivalent, à la fois complexe et accessible, aussi exaltant que mélancolique, qui ne laissera pas indifférent en raison de son visuel décalé, mais diablement inventif. À 77 ans, George Miller prouve qu’il n’a rien perdu de sa fougue ni de sa créativité débordante avec une œuvre dans laquelle il livre avec générosité tout son savoir-faire.

25.08.2022

4

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Commentaires

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cinedude

il y a 2 ans

Visuellement époustouflant mais une histoire qui manque de rebonds


vincenzobino

il y a 2 ans

Happy wish road
Istanbul: Alithea présente plusieurs récits lors de conférences. Soudainement prise d’une hallucination, elle tombe en possession d’un vase contenant au fait un Driss, un esprit errant depuis l’Antiquité à la recherche de la personne qui formulera 3 vœux pour lui rendre sa liberté. Alithea sera-t-elle cette perle rare?
Le voici ce retour de Georges Miller qui après nous avoir offert LE film d’action de la décennie écoulée revient avec un récit visiblement plus terre à terre. Une chouette expérience.
Le premier quart-d’heure et cette première apparition « fantastique » peut susciter le scepticisme. Lorsque l’on découvre Driss et son périple, l’alchimie et très curieusement l’empathie va monter crescendo.
Le résultat est une magnifique expérience destinée à tous les rêveurs et rêveuses à la recherche de l’âme sœur ou frère, dont votre serviteur en serait : un magnifique duo avec notamment Elba incroyable et Tilda Swinton en permanence juste; des images magnifiques des récits datant de très longtemps ou plus récents et une très agréable conclusion sans doute irréelle mais qui confirme qu’il est permis de souhaiter rêver.
Belle expérience à recommanderVoir plus


CineFiliK

il y a 2 ans

« I wish »

Invitée à donner une conférence à Istanbul, Alithea Binnie acquiert au Grand Bazar un flacon peut-être ancien. De retour à l’hôtel, en frottant l’objet avec sa brosse à dents électrique, elle libère un génie qui lui accorde trois souhaits.

Spécialiste reconnue de la narratologie, elle vit de mythes et de légendes. Son éminente intelligence est son pouvoir, mais la cause aussi d’une grande solitude. Désirer la gloire, la connaissance ou la passion amèneront fatalement à des catastrophes. Elle s’y refuse. Djinn depuis la nuit des temps, il a pour faiblesse les femmes. Reines ou esclaves, elles l’ont toutes mené au fond d’une bouteille. Si Alithea s’entête à éconduire ses vœux, il disparaîtra à jamais.

Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ? Jamais là où on l’attend, George Miller emprunte une autre route que celle de Mad Max pour ouvrir un livre de contes mêlant le génie d’Aladin à celui de Shérazade. D’un point de vue formel, c’est plutôt réussi, même si les couleurs criardes desservent parfois les palais orientaux. Poussière d’étoile ou champ électromagnétique, le souffle volatil d’Idris Elba sur le dos d’une noire déesse est d’une sensualité folle. Dommage que le filtre d’amour naïf de la fiole manque de sel. On retiendra que ce sont les histoires, réelles ou imaginaires, qui forgent nos existences.

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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