The Old Oak Belgique, France, Royaume-Uni 2023 – 114min.
Critique du film
Les murs pour témoins
Sélectionné en compétition à Cannes cette année, «The Old Oak» était projeté à Locarno devant une Piazza Grande bondée, pour se terminer sur une standing ovation. L’histoire raconte l’arrivée de réfugiés syriens dans un village anglais, ancienne cité minière délaissée des pouvoirs publics.
En 2016, un car de réfugiés syriens débarque dans une bourgade du nord-est de l’Angleterre. Accueillis par certains avec hostilité dans une région déjà défavorisée, le rapprochement des communautés sera possible grâce à l’amitié qui se noue entre Yara, jeune photographe, et TJ, propriétaire du Old Oak, dernier pub du village.
Sur les murs du pub, des photos de la grève des mineurs de 1984. Photographe, c’est aussi la passion de Yara, jeune Syrienne réfugiée en Angleterre avec sa famille. Devant faire face à l’hostilité de certains habitants, elle va se lier d’amitié avec TJ, propriétaire de l’établissement. Le récit suit l’arrivée des réfugiés et leur intégration, forcément chaotique, dans la petite bourgade. «Vous n’avez qu’à retourner chez vous», leur lance un villageois. «C’est bien ce que nous aimerions», lui réplique Yara. Défavorisés, oubliés des politiques, les habitants au quotidien déjà difficile se retrouvent en plus à gérer l’arrivée imposée de ces nouveaux voisins.
Troisième opus de Ken Loach à se dérouler dans le nord-est de l’Angleterre, le film clôt une trilogie «accidentelle», comme l’explique la productrice Rebecca O’Brien, mais en délaissant cette fois le tragique. Après «Moi, Daniel Blake» et «Sorry we missed you», tourner à nouveau dans la région tenait presque de l’évidence. Pour les habitué-e-s du réalisateur britannique, son film n’est pas une surprise. Prenant la défense des personnes laissées pour compte, il livre un long métrage socialement engagé. Mais le personnage principal est cette fois-ci un établissement : «The Old Oak», pub britannique tout ce qu’il y a de plus typique.
En 2008, une étude avait calculé que chaque jour, 5 pubs en Grande-Bretagne fermaient. Institution sociale, le pub n’est pas qu’un bar : c’est un lieu où tous et toutes se retrouvent, un pilier de la communauté locale. En faire le centre névralgique de l’histoire permet également de la filmer de l’intérieur. Le cinéaste ayant une idée précise de l’endroit, les recherches ont été longues pour trouver ce qu’il cherchait : un pub ayant traversé les époques depuis les années 70, mais encore «dans son jus». Posément et sans artifices, le résultat est une histoire humainement efficace qui prouve, s’il le fallait, que le cinéaste de 87 ans n’a rien perdu de sa verve.
(Locarno 2023)
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Commentaires
“Chêne de solidarité”
Une bourgade sinistrée du nord de l’Angleterre accueille des réfugiés syriens, chassés par la guerre. De quoi échauffer les quelques esprits chagrins qui se réunissent autour de pintes dans le « Old Oak », pub vétuste tenu comme il le peut par TJ Ballantyne.
On connaît bien le refrain triste de Ken Loach, mélodie grinçante qui dénonce film après film la misère sociale ambiante. Chômage, désœuvrement, malnutrition, xénophobie, suicide, maisons abandonnées, rachetées pour une bouchée de pain par des spéculateurs étrangers, mines, écoles et paroisses fermées. Mais que fait le gouvernement ? Seul lieu de rencontre encore accessible, ce bar croulant, phare fragile au milieu du marasme. Le décor de ce monde où chiens et amis de toujours s’entre-dévorent est posé et pesant. Noir, c’est noir, mais il y a une lueur d’espoir. A 87 ans, le réalisateur veut encore y croire. Yara, jeune migrante, poussera la porte du troquet et se rapprochera de son mutique propriétaire, en reprenant la devise : « Quand on mange ensemble, on reste ensemble ». Entre gris clair et gris foncé, se réuniront dans la peine ceux qui ont tout laissé derrière eux et ceux qui n’ont pas grand-chose à leur offrir. Ainsi peut se renforcer un véritable chêne de solidarité.
(7.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
Très bon film en dépit de certaines longueurs et des deux scènes finales complètement disproportionnées, voire risibles.
Dans une petite ville appauvrie du nord de l'Angleterre, les habitants sont, tout au mieux, aussi démunis que les réfugiés musulmans qu'on vient loger parmi eux. L'élan de solidarité des uns est mal vécu par les autres et le seul pub encore ouvert dans la bourgade donne son nom au film et en devient presque le personnage principal. La confrontation pacifique est filmée avec beaucoup de sensibilité et de compréhension pour les deux clans et le film braque la lumière sur l'indigence matérielle et psychologique de part et d'autre.
Grâce à plusieurs jolies scènes et de très bonnes idées (la place accordée à l'appareil photo, l'histoire de la petite chienne, les photos projetées sur une musique de oud en direct, etc.) ainsi qu'au jeu excellent des 2 acteurs principaux, The oak tree est, tout compte fait, un film à voir.… Voir plus
Ken Loach est LE spécialiste du film montrant le réalisme social. Apolitique, il révèle néanmoins à quel point les gouvernements sont à côtés de la réalité. Dans ce dernier film il démontre toutes les difficultés d'accueillir et de vivre avec des immigrés. Un film d'une grande sensibilité, et d'une grande chaleur humaine. Le tout se passant en Grande Bretagne avec des décors naturels qui sentent le charbon et la pinte de bière. Un tout grand film où tous les interprètes British viennent du nord de l'Angleterre pour un souci de crédibilité. Dave Turner tenancier du Pub est vraiment excellent. (G-29.10.23)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
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