En Compétition Internationale Longs Métrages, la réalisatrice Sofie Benoot dévoile «Apple Cider Vinegar», une œuvre poétique ou la magie des webcams se conjugue à la pierre et aux temps géologiques. Intrigué.e.s? Il y a de quoi.

Aussi prestigieuse qu’inattendue, la Compétition Internationale Longs Métrages du festival Visions du Réel, est toujours un intervalle de réflexion pour explorer la singularité du monde au travers des multiples outils du cinéma contemporain. L’occasion donc de bousculer les consciences, la grammaire du globe et la manière d’en parler, de le représenter. En témoigne notamment «While the Green Grass Grows» de Peter Mettler, vainqueur en 2023. Et cette année, les explorations filmiques de la cinéaste flamande Sofie Benoot ont débarqué sur les berges de la ville lémanique avec une élégance folle.

Sorte d’OFNI (objet filmé non identifié), narré par la britannique Siân Phillips, dans «Apple Cider Vinegar», un calcul rénal devient l’excuse poétique pour divaguer sur un volcan au Cap-Vert, converser avec un tailleur de pierres en Palestine, et scruter les pierres en bords de route en compagnie d’un géologue anglais. Une déambulation qui trouve son origine au cœur d’une analyse au microscope. En effet, une scientifique nous apprend qu’un calcul rénal se compose d’un minéral appelé la weddellite. Un minéral, tenez-vous bien, que l’on rencontre principalement dans la mer de Weddell en Antarctique.

Bientôt, cette question est prononcée: comment un minéral de l’Antarctique peut-il bien se retrouver dans notre corps? Voilà qui nous ramène à la porosité des êtres. Fable géologique à l’envergure vertigineuse, aux moyens de webcams et d’entrevus, Sofie Benoot dévoile un dialogue visuel autant qu’une étude étourdissante. Sur une plage en Angleterre, un scientifique nous rappelle que les plastiques se confondent désormais à la pierre. Et au cœur de ce mimétisme étrange, c’est peut-être là que «Apple Cider Vinegar» trouve toute sa force: celle d’un brillant geste de cinéma qui permettra, on l’espère, de limiter l’érosion de notre conscience du monde.

(Visions du Réel 2024)